Transformer sans remplacer : l'enjeu de l'IA et du changement
L’IA générative va-t-elle révolutionner votre manière de travailler ou simplement enrichir vos outils existants ? Dans cet épisode, Markus Geier, associé chez Twelve Consulting, partage son expérience sur l’intégration de l’IA dans les entreprises. Vous découvrirez comment réussir la conduite du changement, éviter les pièges des projets trop ambitieux, et créer une véritable adhésion des équipes face à cette technologie. Un échange concret et pragmatique pour vous aider à transformer vos pratiques sans perdre de vue l’essentiel : l’humain.
Markus Geier, associé chez Twelve, est un spécialiste de la transformation et de la digitalisation des métiers de la relation client. En charge de l'innovation au sein du cabinet, il se concentre particulièrement le potentiel du digital au service de l'efficacité commerciale.Actuellement, Markus pilote plusieurs déploiements de solutions d’IA générative à grande échelle, avec des enjeux cruciaux d'adoption et de conduite du changement pour garantir un impact concret et durable pour ses clients.
Markus Geier
Consultant associé
Julien Redelsperger: « Et pour cela, j'ai le plaisir d'être accompagné par Markus Geier qui est consultant et associé chez Twelve Consulting et qui travaille sur des sujets liés à l'innovation et à l'IA générative pour comprendre comment mieux utiliser la tech dans les entreprises que le cabinet accompagne. Aujourd'hui, nous allons donc parler de gestion du changement, de consulting et de déploiement de projets IA. Bonjour Markus, merci de participer à cet épisode d'AI Experience. Comment vas-tu? »
Markus Geier: « Bonjour Julien. Ça va très bien, ravi d'être avec toi aujourd'hui sur ce podcast pour parler de ces sujets passionnants, que sont l'IA générative et le changement qui l'accompagne. »
Julien Redelsperger: « Absolument. Et justement, première question pour toi, spontanément, je me dis, a priori, tout le monde a essayé ChatGPT en entreprise, mais est-ce que c'est vraiment le cas selon toi et est-ce qu'il y a des postes ou des métiers, notamment dans l'ombre du tertiaire évidemment, mais qui ne sont pas ou peu exposés à l'IA générative? »
Markus Geier: « Alors moi, ce que j'ai constaté, parce qu'on rencontre pas mal de personnes en entreprise justement et on pose systématiquement la question de eux, où est-ce qu'ils en sont par rapport à l'IA générative? Et en fait, ce qu'on voit, c'est très hétérogène. Donc on voit des gens qui l'ont complètement intégré dans leur quotidien, qui sont à fond, qui disent qu'ils pourraient plus s'en passer. D'autres au final, qui l'ont jamais regardé, qui ne voient pas trop d'applications pro, en tout cas aujourd'hui, donc on trouve vraiment de tout. Mais j'aime bien aussi toujours poser la question, est-ce que les gens savent ce que ça veut dire GPT? Honnêtement, je pense que 90% des gens ne le savent pas. Donc moi, ça me fait toujours mon petit icebreaker pour commencer mes réunions. Donc voilà, très hétérogène. Et après, est-ce qu'il y a des métiers qui sont moins exposés? Je pense forcément des expositions différentes, mais je pense que tôt ou tard, on aura tous une partie, en tout cas si on travaille en entreprise sur des sujets, en tout cas, où il y a un peu de digital, forcément une partie d'IA générative qui viendra s'y greffer avec des niveaux différents. »
Julien Redelsperger: « Et par expérience, est-ce que tu vois sur quel type de poste on utilise beaucoup l'IA générative en entreprise? Est-ce que c'est plutôt le marketing, la finance, le commercial, les RH? Ou est-ce que ça, finalement, un peu tout le monde... »
Markus Geier: « Alors nous, on est spécialistes des métiers de la relation client. Donc nous, on travaille essentiellement sur la partie vente, service et marketing. Donc ils sont trois métiers très exposés à l'IA générative. Vente pour la performance commerciale, comment j'augmente le bon temps que je peux passer avec mes clients, comment je suis plus personnalisé, plus pertinent. Service plutôt des axes autour de la productivité, être plus performant dans la résolution des cas de mes clients. Et donc, au-delà de ça, je pense qu'en tout cas, ce sont des métiers que je connais très bien, qui sont très exposés. Après, certainement, il y a des métiers qui le sont moins, mais en tout cas, par ce prisme-là, on voit qu'il y a un très fort potentiel et une utilisation aussi d'IA générative. »
Julien Redelsperger: « Quand tu dis que ce sont des métiers très exposés, ça veut dire que ce sont des métiers qui potentiellement vont se transformer avec l'IA. Est-ce que, parce qu'il y a une crainte, c'est vraiment le sujet clé ici, c'est de se dire est-ce que l'IA va me remplacer finalement ? Ça peut être une crainte légitime des employés, des salariés. Est-ce que c'est un sujet auquel toi tu fais face quand tu lances des missions de consulting en entreprise ? »
Markus Geier: « Alors bien sûr, c'est un sujet dont on parle énormément. Après, j'ai aussi de plus en plus de rencontres des gens, surtout des patrons, qui me disent que moi, tout le monde vient me voir, et notamment des éditeurs et des consultants, et m'expliquent que si jamais je ne passe pas à l'IA générative, dans les un à deux ans, je vais disparaître. Et donc, je vois de plus en plus de gens qui n'ont pas du tout envie qu'on leur raconte ça. J'ai vu par exemple à Vivatech sur scène, il y avait Luca de Meo, le CEO de Renault, avec la dirigeante aussi de Veolia, qui disait que c'était des sociétés qui existaient depuis 100, voire 160 ans, qui avaient connu des guerres mondiales, des crises, des chocs pétroliers, ce genre de choses, et qui étaient toujours là. Donc effectivement, il faut s'adapter, il faut intégrer l'IA générative dans ce qu'on fait. Moi, je pense qu'aujourd'hui, on parle quand même plus de transformation que de remplacement. En tout cas, quand on est sur des sujets très certainement à forte valeur ajoutée, tout le secteur du B2B, on a quand même encore besoin d'avoir des commerciaux qui connaissent bien leurs clients. Quand on parle de produits techniques sur lesquels on doit assister les clients, etc. On est plutôt dans l'approche de ce qu'on dit depuis longtemps, l'utilisateur augmenté. Aujourd'hui, on arrive à le faire beaucoup mieux que ce qu'on faisait avant. Donc pour moi, c'est clairement transformation. Après, on ne sait pas ce qui arrivera dans 5 à 10 ans. Mais en tout cas, aujourd'hui, pour moi, c'est clairement le maître mot. C'est transformation et s'adapter plus que le remplacement. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Alors, je ne sais pas toi, mais moi, quand je vais sur LinkedIn, j'ai parfois un peu l'impression de voir mon fil d'actualité qui est envahie par des consultants, des experts en IA qui ont découvert l'IA avec ChatGPT en 2022. Or, ChatGPT n'est pas forcément égal à IA. C'est très loin d'être la réalité. L'IA, on en parle depuis des années. C'est une méthode, en tout cas un champ d'expérimentation et un champ scientifique qui existe depuis très, très longtemps. Est-ce que déjà, est-ce que toi, tu rencontres ce genre de sujet et est-ce que selon toi, il suffit d'utiliser ChatGPT pour dire qu'on sait utiliser l'IA? Quelle relation, quel lien tu fais entre IA et ChatGPT? »
Markus Geier: « Alors, pour répondre, peut-être si on reprend dans l'ordre. Donc moi, je bosse beaucoup avec des sujets d'IA. Je ne me prétends pas être un expert de l'IA. Par contre, c'est plutôt de comprendre quels sont les usages concrets de l'IA générative dans les métiers de la relation client, ce qui ne fait pas du tout de moi un expert. Après, effectivement, comme tu disais, c'est l'IA. Ce sont des sujets dont on parle quand même depuis les années 1950 et aussi même les premiers sujets autour de la génération de langage avec des systèmes informatiques. Ça date, je crois, des années 60. Donc, ce n'est pas du tout quelque chose, en tout cas, de nouveau. Certes, on a eu très récemment des prouesses d'ingénierie qui ont fait qu'on a démultiplié en fait la capacité et la rapidité et la quantité d'informations qu'on a arrivé à gérer avec ces large-language models, donc ces fameux LLM. Mais on n'est pas du tout sur quelque chose de nouveau. Après, effectivement, moi, je pense que c'est un outil du quotidien qui est très pratique et c'est plus l'enjeu de savoir comment on l'utilise. Mais ça ne fait pas de nous des experts, en tout cas en IA générative. Et comme tu le dis, il y a aussi toujours aujourd'hui, l'IA générative, on en parle beaucoup, il y a toutes les IA, même si elles sont quand même innovantes et révolutionnaires comme le machine learning, mais aujourd'hui on peut presque les qualifier d'IA classiques qui existent encore et qui vont être vraiment pertinentes sur les sujets d'analyse, de données, d'interprétation pour nous aider à prendre des bonnes décisions qu'on va pouvoir traiter avec l'IA générative. Donc, on est vraiment sur une complémentarité entre ces deux IA plutôt qu'une concurrence où on se dit "si j'ai vu ChatGPT, je sais tout faire". Moi, je pense que ça c'est important et aussi un des biais ou un des raccourcis en tout cas que beaucoup de personnes prennent et notamment d'entreprises. »
Julien Redelsperger: « Alors toi, ça fait des années que tu travailles dans le monde du conseil et que tu accompagnes les entreprises. Est-ce qu'on parlait autant d'IA avant 2022, avant la sortie de ChatGPT qu'on en parle aujourd'hui ? Est-ce que c'était un sujet avant 2022 dans les entreprises? »
Markus Geier: « Clairement, ça a toujours été un sujet, par contre pas du tout la même dimension qu'aujourd'hui. En fait, j'ai deux principales explications. La première, c'est qu'avant, par exemple, un des cas classiques dans le monde de la vente, c'était de détecter les clients qui sont à risque de churn dans une base client. Ça, c'est quelque chose dont on parle depuis des années. Des performances au final qui étaient très certainement perfectibles parce qu'il fallait beaucoup de données propres pour les entraîner. Là, on touche du doigt le premier sujet qui était ces modèles, ça prenait pas mal de temps à développer, à mettre à l'échelle et avoir des données propres pour les entraîner qui était souvent le point où s'appêcher. Et le deuxième point, c'est que quand on parle de ça, on est en train de parler d'un usage pour un persona dans une entreprise, c'est-à-dire le commercial qui détecte ses clients à risque de churn. Si on prend un outil, par exemple, copilot qu'on peut déployer dans une entreprise à l'échelle très rapidement, tout de suite, on va toucher potentiellement toutes les fonctions de l'entreprise et énormément de tâches qu'ils font au quotidien. Donc, on a un impact démultiplié qui est le premier point pourquoi on en parle autant. Après, je pense que l'autre point aussi, c'est qu'on a toujours l'impression que c'est un peu magique quand on joue avec dans un premier temps parce que ça fait des choses assez incroyables en très peu de temps, qui fait aussi qu'il y a cette espèce d'enthousiasme ou aussi de fantasmes, de plein de choses qui s'est créé autour de cette IA générative, mais qu'il faut remettre, à mon avis, avec un peu de relief et de sens critique pour se rendre compte que certes, c'est intéressant, mais en tout cas, certainement pas magique. »
Julien Redelsperger: « Quels sont les grands mythes autour de l'IA en entreprise que tu as rencontrés lors de tes missions? On parlait par exemple du fait que l'IA allait remplacer les humains. Est-ce que ça en fait partie? Est-ce qu'il y en a d'autres? »
Markus Geier: « Oui, certainement. Après, je pense qu'il y a le côté de dire « si on ne se met pas à l'IA générative, on va disparaître ». Il y a le côté aussi que l'IA générative va faire tout le travail à notre place. Moi, par exemple, le constat que j'ai fait, c'est que c'est très utile pour m'aider à aller plus vite et plus loin dans le travail que je fais. Par contre, quand j'ai essayé de déléguer 100% de mon travail à l'IA générative, j'ai au mieux un résultat qui est médiocre, qui n'est pas assez fin, pas assez poussé, à mon avis. Par contre, si je prends le temps de poser des bonnes questions et de me creuser moi-même la tête, j'arrive à avoir des résultats qui sont assez exceptionnels. Donc pour moi, ce côté-là de dire, encore une fois, on parle d'aujourd'hui, de dire que l'IA va remplacer 100% de nos tâches, je pense qu'on en est assez loin, surtout sur des tâches à valeur ajoutée. Il faut quand même bien le temps de nous-mêmes se poser la question et c'est plus un outil pour aller plus loin, plus rapidement. »
Julien Redelsperger: « Est-ce que tu as l'impression qu'il peut y avoir un décalage générationnel sur les usages de l'IA? Est-ce que peut-être les générations plus âgées, Baby Boomer qui sont encore en entreprise à des postes de direction, sont peut-être moins à l'aise que les nouvelles générations Y, Z dans la manipulation, dans l'usage de l'IA? Est-ce que tu ressens ce décalage ou pas ? »
Markus Geier: « Alors instinctivement, j'en pensais exactement ce que tu viens de dire, c'est qu'on avait ce décalage. Après, j'ai fait une intervention dans une école de commerce pour parler d'IA générative et j'ai commencé par un petit sondage, un petit tour de table pour voir au final quels étaient les usages et aussi surtout la perception que ces étudiants avaient de l'IA générative et de comment est-ce qu'ils voyaient ça sur leur cycle d'apprentissage, sur leur future vie professionnelle. Et honnêtement, j'étais hyper étonné parce que très peu d'usages, on va dire assez concrets, les gens me disaient plutôt oui, ça marche un peu, mais ce n'est pas non plus terrible et tout. Donc je pense qu'effectivement, instinctivement, on pourrait croire ça, mais que la réalité est un petit peu différente. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Et justement, toi qui côtoies régulièrement des managers et des dirigeants, qu'est-ce qu'ils te disent sur le sujet de l'IA générative? Est-ce qu'ils sont excités, effrayés ? C'est quoi leur état d'esprit? »
Markus Geier: « Si on prend, on va dire, après ça dépend le type de manager, mais en tout cas si on prend un peu C-level métier, donc tout ce qui est direction commerciale, etc. Des gens qui sont aussi très intéressés aux résultats de l'entreprise, eux, la plupart du temps, en fait, ils ont peur de ne pas bénéficier suffisamment des bénéfices de l'IA générative. Donc de dire, on a peur de passer en fait à côté de quelque chose parce qu'on a bien compris qu'il y avait un potentiel, on a lancé des initiatives, on a fait des choses dans notre entreprise, par contre, on n'a pas encore les résultats, on a peur de ne pas avoir les résultats espantés. Moi, je pense que ça, c'est un peu le principal point que je vois, en tout cas, de ce que disent les dirigeants. Après, j'en vois aussi beaucoup qui se disent, au contraire, ça va complètement changer la donne, on va tout revoir, on va refondre complètement notre business model, notre operating model pour tout faire autour de l'IA générative. Là, encore une fois, ce que je trouve intellectuellement très intéressant, je pense qu'à la fois si on regarde la maturité de la technologie, aussi la phase d'apprentissage, on a tous besoin pour comprendre un peu comment l'utiliser au mieux. On a encore un petit peu de temps à arriver à ça, mais si on peut avoir des business models, par exemple, qui sont basés sur l'IA générative, pour transformer des entreprises historiques et tout revoir, attendons encore quelques années pour apprendre un peu et prendre en tout cas de meilleures décisions sur ce point. »
Julien Redelsperger: « Qu'est-ce qui manque aux entreprises dans les métiers avec lesquels tu travailles pour être vraiment prêt? C'est quoi? C'est des questions de formation, d'acculturation, peut-être de veille technologique? »
Markus Geier: « Je pense qu'il y a trois axes qui peuvent faire qu'on n'arrive pas aux résultats escomptés. Le premier, on l'a déjà un petit peu abordé précédemment, c'est de dire je n'ai pas choisi le bon cas métier, trop grand, trop ambitieux. On voit aussi souvent qu'on prend plein de petits cas qui sont dispersés sur plein de personas, sur plein de parcours différents. Là aussi, à un moment donné, on s'est tellement éparpillé, on a dépensé plein d'argent, on n'arrive pas à avoir un résultat à la fois en termes de revenus, mais aussi en termes de perception par les utilisateurs. Ce sont des premiers travers qu'on voit. Sur la partie technologique, effectivement, il faut choisir les bonnes technologies, mais il ne faut surtout pas en faire un sujet technologique parce qu'on parle d'un outil qui sert à résoudre des problématiques métiers d'enjeu pour les entreprises ou pour les utilisateurs, donc technique jusqu'à un certain point. Par exemple, on ne va pas faire un projet dans le but de faire de l'IA et aller très loin dans le fine tuning ou toutes ces choses technologiques, en tout cas avancées, qu'on peut faire. Ça doit toujours être une conséquence. J'ai vu des entreprises qui ont pris par ce biais-là, qui ont investi beaucoup et n'ont pas eu tous les résultats qu'ils attendaient. Et le troisième, comme ça on en arrive un peu aussi à la question du jour, c'est l'accompagnement du changement. Je pense que si on fait un projet d'IA générative, même un chat GPT-like interne à une entreprise et qu'on le met dans la nature, sans accompagnement, on a à peu près 99 chances sur 1000 qu'il ne se passe pas grand chose derrière. En tout cas, on n'est pas à le résultat escompté parce qu'il ne faut pas sous-estimer ce changement de la part des utilisateurs. »
Julien Redelsperger: « Quels sont les erreurs les plus courantes que les entreprises font lorsqu'elles essayent d'intégrer l'IA justement dans leur processus? Qu'est-ce que tu as constaté qui ne fonctionnait pas ? »
Markus Geier: « C'est un peu les trois cas dont je viens de te parler. Ce ne sont pas les bons cas métiers, trop ambitieux ou trop micro, donc on ne s'y retrouve pas. C'est le côté de dire je n'ai fait qu'un sujet technologique et je me concentre uniquement sur la technologie. Je me dis si j'ai la meilleure technologie, je ferai des super projets. Alors que le vrai cas, c'est l'application métier et le troisième volet, l'adoption. C'est de lancer des projets en sous-estimant à la fois l'adoption pendant la mise en place, donc le roll-out de la solution, mais aussi l'ancrage de cette technologie dans le quotidien des utilisateurs qui est forcément quelque chose qui se fait dans la durée et qui prend un certain temps. »
Julien Redelsperger: « Quelles sont les résistances les plus communes que tu as rencontrées quand on déploie une solution d'IA générative? Et comment tu fais pour les surmonter ? C'est quoi? C'est des sujets liés aux peurs peut-être, au fait que c'est trop compliqué? Comment on accompagne les gens dans ces démarches ? »
Markus Geier: « Moi, je dirais que le principal point, en fait, c'est que les gens décrètent assez vite que ça ne marche pas. Et souvent, en fait, ils décrètent que ça ne marche pas parce qu'ils ne sont pas pris de la bonne manière. Et donc, c'est vraiment sur ça qu'on doit les accompagner. Nous, on a l'habitude de travailler avec des sujets, donc des grands projets digitaux qui sont autour de l'outil central. Par exemple, un CRM pour un commercial, c'est son outil du quotidien. Donc forcément, même s'il n'a pas trop envie d'utiliser sur certains aspects, il va être obligé et c'est ancré qu'il va devoir utiliser cet outil. L'IA génératif, c'est assez différent. Pourquoi? Parce que c'est vraiment une innovation technologique et qui souvent est quelque chose de facultatif que je pourrais utiliser, qui va me permettre de mieux faire mon métier ou de le faire différemment. Et donc ça, c'est un gros changement en termes d'adoption et d'on va l'accompagner. En fait, on a constaté qu'on suivait vraiment le cycle d'adoption de l'innovation. C'est cette fameuse courbe que tu connais avec les tech enthusiasts, early adopters qu'on arrive à embarquer assez vite. Et là, les gens qui vont à base décréter que ça ne marche pas sans avoir essayé, c'est vraiment cette early maturity et late maturity. Et c'est là vraiment où il faut aller mettre l'effort au début. Et donc nous, la méthode qu'on a trouvée pour parer à ça, c'est de dire au début, on ne va pas noyer les gens avec 250 cas d'usage. Je ne sais pas si tu as par exemple, quand tu vas sur certains sites d'éditeurs ou autres, on te met 300 cas que tu pourrais faire. Moi honnêtement, quand j'ai lu les 47 premiers, je ne sais plus quoi retenir. Et au final, j'essaye, je fais des trucs un peu au pitch. Donc nous, ce qu'on a vu, ce qui marchait, c'est de dire, prends 3-4 cas emblématiques qui sont adaptés au quotidien de l'utilisateur et dont c'est qui vont marcher. On va lui raconter une histoire qui n'est pas générique. Je vais lui expliquer que lui, quand il est dans ce contexte, par exemple un sales itinérant qui est toute la semaine du jeudi, du lundi au jeudi, en train d'aller voir les clients qui n'ont pas le temps de gérer son administratif. Quand il est au bureau le vendredi, il va devoir répondre à 90 mails clients, mettre genre 30 opportunités dans son CRM, etc. Et là, on va pouvoir utiliser les génératifs pour faciliter ses tâches et lui faire gagner par exemple 30 à 40% de son temps. Et ça, c'est des vraies histoires qu'on va pouvoir raconter aux gens où ils vont se projeter. Et une fois qu'on leur a dit ça, on n'a pas besoin de leur raconter 12 autres cas. On en a 2-3 comme ça, on commence par ça, ils vont se dire c'est génial. Et une fois qu'ils ont passé cette étape, par eux-mêmes, souvent, si on les accompagne encore un peu, ils vont essayer d'expérimenter des nouveaux cas par eux-mêmes. Et en fait, c'est vraiment comme ça qu'on arrive à embarquer les gens. Donc, bien prendre conscience que les génératifs, c'est différent des projets digitaux qu'on a l'habitude de faire. C'est très fortement lié à l'innovation technologique et ça représente comme un gros changement dans nos habitudes. Donc, il faut l'accompagner dans la durée, prendre en compte cette courbe d'adoption et avoir aussi des... Comme quand on fait du marketing sur ce type de projet, de produit par contre, de dire je vais avoir des messages différents à des timings différents pour réussir à aborder ces différents personnages de la bonne manière. »
Julien Redelsperger: « Tu parlais, tu donnais un exemple là avec la dimension commerciale, vente. Est-ce que tu as un autre exemple à nous partager peut-être dans le domaine de la service client ou dans d'autres domaines ? »
Markus Geier: « Le service client, donc un cas assez classique sur lequel on revient très souvent, en fait, c'est pour traiter du flux entrant de demandes, donc multicanal, email, site web, etc. On s'est rendu compte que l'IA générative était un formidable outil pour classer ces flux et comprendre au final que ça, c'était telle typologie de demande. Même en allant voir dans des pièces jointes, etc. pour aller les ranger au bon endroit avec le bon type dans la bonne file d'attente, ce qui peut permettre des choses encore une fois assez basiques. Mais mine de rien, ça évite aux gens de lire juste des mails pour aller les router. Ils peuvent faire des choses avec plus de valeur ajoutée et ça permet après aussi au manager de savoir exactement quelle typologie de demande ils ont. Par exemple, si j'ai 100 demandes dans ma file d'attente et que c'est assez différent, c'est des demandes qui vont prendre une minute à traiter ou une heure. Et donc d'avoir un pilotage vraiment optimisé de ça. Comme ça, par exemple, c'est un cas où on n'est pas dans une utilisation interactive de l'IA générative. Donc là, on intègre vraiment dans un système assez classique, on va dire, de gestion de flux entrant et on utilise plutôt sous forme d'API, donc avec une approche technique pour classer ces flux d'identité. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Donc là, l'exemple, typiquement, ça serait un éditeur de logiciel qui doit traiter des demandes de support, des questions, des problèmes que les utilisateurs peuvent avoir et qui doit organiser justement tous ces messages pour répondre de manière plus efficace. »
Markus Geier: « Tout à fait. On a aussi beaucoup vu ça dans le monde de l'assurance, par exemple, ou déclaration de sinistre ou mise à jour d'une carte d'identité. Ce sont deux choses qui ne prennent pas du tout le même temps et ça permet à nos clients du coup d'avoir une visibilité accrue au final sur ce qui arrive et les envoyer au même endroit. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Encore une fois, c'était des choses qu'on faisait avant. Avant, on faisait ça avec du machine learning. Ça prenait beaucoup plus de temps, il fallait beaucoup plus de données qu'on avait traitées à la main pour effectuer ce type d'approche. Aujourd'hui, on se rend compte qu'avec le côté pré-entraîné des modèles de langage, on n'est pas obligé de leur expliquer que tel mot c'est un synonyme de tel mot. Si je dis par exemple mise à jour pièce d'identité, si le client a écrit CNI dans son mail, l'IA va comprendre sans que j'ai rien eu en fait à lui apprendre avant. Et c'est ça au final, on arrive à faire des choses qu'on faisait avant, mais en mieux, mais surtout beaucoup plus vite parce qu'au lieu de passer des semaines, voire des mois à entraîner des modèles pour faire ça, en quelques jours, semaines, on arrive à avoir des résultats très performants. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Comment est-ce qu'on mesure le retour sur investissement d'un projet d'IA générative? Parce que j'imagine que c'est des coûts qui sont quand même assez conséquents, c'est un accompagnement au changement, c'est parfois une remise en question de l'infrastructure technologique, tout ça, ça coûte de l'argent, c'est beaucoup de temps. Comment tu fais pour mesurer un ROI dans ce contexte-là? »
Markus Geier: « Moi, je dirais rien de nouveau sous le soleil parce qu'en fait, je n'aime pas trop parler de projets d'IA générative. Pour moi, ça reste toujours des projets qui à la base sont métiers parce qu'on cherche toujours à répondre à une problématique d'un utilisateur dans une entreprise qui a des enjeux de développement, de transformation. Donc, l'IA, ce n'est jamais une finalité, c'est juste un moyen en plus dans notre boîte à outils pour répondre à ces enjeux et donc pour mesurer le retour sur investissement. Le fait de la même manière qu'on l'a toujours fait, c'est en se fixant avant des objectifs qu'on souhaite atteindre, comme je disais, de transforts, d'efficacité, de temps de traitement et après, on regarde ce qui se passe. Après, j'ai aussi envie de dire, comme c'était déjà le cas avant, ce sont des sujets qui ne sont pas forcément devenus plus faciles aujourd'hui. Si je dis par exemple, je fais gagner 10 minutes à un commercial quand il doit faire un compte rendu de rendez-vous, il fait 300 rendez-vous par an, donc je lui ai fait gagner 3000 minutes, ça, c'est génial. Mais après, toute la question, si je veux avoir un retour sur investissement au niveau de l'entreprise et mon commercial, qu'est-ce qu'il va faire de ces 3000 minutes qu'il a en plus par an? Comment est-ce qu'il va les utiliser ? Et la vraie question, c'est ça en fait. Et après, bien sûr, sa performance et les ventes qu'il fait peuvent dépendre du temps qu'il avait en plus, mais aussi de la situation du marché, etc. Donc, juste pour dire au final que de ce point de vue-là, on fait comme on a toujours fait en se posant des bonnes questions avant et en se challengeant sur des indicateurs et des objectifs qui sont réalistes et surtout mesurables, parce qu'à un moment donné, on sait qu'on peut les rattacher à ce qu'on a fait. »
Julien Redelsperger: « Mais c'est ça, parce que l'utilisation de l'IA générative en entreprise, ça ne veut pas dire que les gens vont travailler moins, ça veut presque dire qu'ils vont travailler plus parce que le temps qu'ils passaient à faire des tâches chronophages automatisables par l'IA, ils vont pouvoir faire autre chose avec. C'est un peu une fuite en avant, non, quelque part? »
Markus Geier: « C'est exactement ça. Et tu vois, nous, d'ailleurs, on s'est posé une double question chez Twelve, parce que nous, en fait, on utilise l'IA générative pour faire des missions pour nos clients. Donc, on veut aller plus loin, plus vite dans ce qu'on fait sur les projets pour nos clients autour de la relation client. Après aussi, nous-mêmes, on est une entreprise, en fait, avec forcément des employés, des process, des tâches au quotidien. Et on s'est dit, prenons aussi l'IA générative pour essayer de comprendre comment on pourrait l'utiliser avec une conviction dès le début et qu'on n'a jamais changé. C'est qu'on ne voulait pas que nos consultants fassent deux fois plus de projets sur le même temps, parce qu'on allait les aider à être plus pertinents avec l'IA générative. Mais c'est de dire, on veut leur permettre d'aller plus loin dans ce qu'on fait. Par exemple, très pragmatique, au début de chaque mission de conseil, on passe beaucoup de temps à échanger avec les utilisateurs, avec les sponsors. On fait des interviews de 30 minutes, une heure. On a beaucoup de matière. Et après, on a besoin de beaucoup de temps pour analyser toute cette matière et en tirer du coup les grandes lignes, les grands enseignements. Ça, aujourd'hui, c'est quelque chose où on peut aller beaucoup plus vite en utilisant intelligemment l'IA générative sur des transcripts, sur des notes de réunion, en posant des questions très précises sur toute cette masse d'informations ou des livrables que, par exemple, des clients qui nous donnent des présentations de 300 slides, on peut très vite se les approprier en posant des questions sur le contenu. Et du coup, nos consultants, ils ont le temps de vraiment rentrer dans le métier du client, d'avoir plus de temps aussi pour être créatif, pour imaginer des nouvelles solutions à leurs problèmes. Et c'est vraiment ce prisme là qu'on a voulu prendre et qu'on pousse aussi en tant qu'entreprise auprès de nos consultants sur comment aborder l'IA générative. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Donc, ça veut dire que les dirigeants ne vont pas dire finalement ça va me libérer du temps, mes employés vont avoir plus de temps libre pour se former ou faire des tâches tierces. »
Markus Geier: « Oui, après, ça, c'est moi ce que je mets dans... Est-ce que ça impacte l'organisation du travail et est-ce qu'on a aussi une problématique RH derrière, de se dire si je libère trois heures par semaine à mes équipes, qu'est-ce qu'ils font de ce temps? »
Julien Redelsperger: « Exactement. »
Markus Geier: « Donc, moi, je pense après, dans le conseil, on n'a jamais trop ce problème parce qu'en vrai, on connaît un peu le monde du conseil, on a souvent plus de choses à faire que le temps qu'on a. Et donc, justement, ça permet à la fois, je trouve que ça permet aussi d'une certaine manière de passer le bon temps et peut-être d'avoir aussi des horaires un peu plus réguliers et structurés en tout cas grâce à l'IA générative. Après, bien entendu, ça dépend beaucoup des domaines dans le cas que je te parlais avant. Aujourd'hui, s'il y a des personnes qui ouvrent en tout cas des emails et des pièces jointes pour classer ces documents, demain, ces gens, on va leur faire faire autre chose en fait sur l'expérience des clients, sur en tout cas d'autres choses. Et là, il y a des composantes RH aussi de formation, de upskilling, de reskilling, des organisations, des équipes. Donc, c'est sûr. En tout cas, il y a cette typologie de sujet. Après, ça dépend de l'activité de laquelle on parle. Mais comme tu disais aussi, ça peut être un excellent moyen de gagner du temps à se former. Et comme tu disais aussi, de passer plus de temps sur un projet client, ça peut aussi être, par exemple, j'ai le temps de prendre trois heures pour aller lire des articles, découvrir une nouvelle approche par rapport à une problématique que j'ai, que je ne savais pas résoudre avant et du coup, de créer encore plus de valeur pour nos clients. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Ok, intéressant. Alors, il y a un point qui est important quand on parle de l'IA générative, c'est le concept des hallucinations. Alors, je réexplique très rapidement ce que c'est. C'est quand l'IA générative invente des faits, des chiffres, des données, voire des dates avec beaucoup d'assurance qui fait qu'on peut croire que c'est effectivement réel. Quand une IA générative en entreprise doit analyser des masses de documents, comment est-ce que vous faites chez Twelve Consulting pour vous assurer qu'elle ne raconte pas n'importe quoi et que ce qu'elle synthétise, c'est bien les données réelles, correctes et utiles qui vont servir aux équipes? »
Markus Geier: « Alors, il y a différentes approches pour ça. La première, elle est technologique. Donc aujourd'hui, il y a des solutions ou des enchaînements en fait d'IA générative qu'on peut mettre en place. Par exemple, trois IAs génératives qui vont exécuter un prompt, donc des instructions similaires sur le même contexte. Et à la fin, on a une troisième, quatrième étape de validation qui va reprendre tout ce qu'on a eu avant, s'assurer que c'est cohérent et qui va réussir à détecter. Par exemple, si une réponse est complètement différente des deux autres, on peut se dire qu'il y a un problème. Ça, c'est la réponse plutôt technologique. Encore une fois, là, on n'est jamais certain à 100%, parce que c'est un gros changement aussi par rapport à... moi, ça fait plus de 15 ans, on va dire, que je fais des projets digitaux et informatiques avec une approche très déterministe. Si, alors, machin, ça a marché une fois, on sait que ça va marcher 1000 fois. Là, on est sur la statistique, donc on n'est jamais sûr de ce résultat. Et donc, les deux autres solutions, en fait, c'est un, nous, on déconseille. On dit, aujourd'hui, on ne veut pas faire d'IA générative qui est directement exposée à des clients dans les secteurs dans lesquels on travaille. On fait beaucoup de banques, assurances, B2B, donc on a une forte valeur ajoutée avec une forte crédibilité aussi du sales dans la relation qu'il a avec son client, par exemple, ou même chose côté service client. En fait, nous, on dit, on est dans cette approche qui est celle marquée du copilote, c'est-à-dire qu'on va aider l'utilisateur. Par contre, il y a toujours l'utilisateur qui, à la fin, va regarder le contenu, les choses qu'on lui a proposées, valider, adapter avant de les envoyer, les partager avec son client. C'est ce qu'on disait un peu au début. Je pense qu'aujourd'hui, sur ces métiers, en tout cas, à forte valeur ajoutée, on peut assister, donc augmenter avec ce fameux copilote, mais pas faire à la place des gens. Après, ça dépend du niveau d'exigence qu'on a. Si on accepte qu'une certaine proportion de résultats soit potentiellement faux, en tout cas, on peut très bien envisager de déployer. Nous, sur les métiers sur lesquels on travaille et quand on regarde aussi le niveau d'exigence en matière d'expérience client et de confiance de la part des clients contre les secteurs dans lesquels on travaille, on est vraiment sur cette approche-là aujourd'hui. Et le dernier volet, pardon juste pour compléter, c'est l'éducation, en fait, donc la formation. Donc, expliquer aux gens que même si c'est très bien écrit, que c'est la solution de facilité, il faut toujours aller au bout, aller challenger. Il y a des choses qui vont marcher très bien. Par contre, comme par exemple reformuler, traduire, ce genre de choses, ça marche très bien. Il y a d'autres cas quand on va poser des questions, on va avoir une réponse avec des données chiffrées ou ce genre de choses. Là, le mieux, c'est quand même d'aller questionner un petit peu le résultat que l'on voit. »
Julien Redelsperger: « Alors, il y a un autre aspect qui est lié au sujet des hallucinations, c'est l'aspect sécurité et conformité. Est-ce que selon toi, c'est un frein à l'adoption de l'IA et est-ce que c'est un sujet dont les dirigeants, dont tes clients te parlent en entreprise? »
Markus Geier: « Alors, je pense qu'on aborde systématiquement le sujet. Je pense qu'on ne peut pas parler d'un sujet, surtout, tu parles de par exemple, services financiers, secteur hyper réglementé. Il y a des grosses problématiques, par exemple, autour du devoir de conseil qu'ont les banquiers vis-à-vis de leurs clients. C'est très bien que ça existe. On ne peut pas raconter n'importe quoi, proposer n'importe quel type de produit à un client. Donc, encore une fois, c'est des choses qui existaient qu'on retrouve avec l'IA générative. Et donc, il y a ces sujets-là de compliance et après aussi beaucoup d'entreprises qui ont fait le choix de dire, on ne veut pas que des recommandations d'IA ou de conseils soient produits par des IAs sur des produits financiers, par exemple, qu'on va recommander aux clientes, parce qu'on veut vraiment que ce soit le banquier qui le fasse. Et après, il y a aussi tout un aspect de sécurité de données, où est-ce que c'est stocké? Est-ce que les données que j'ai envoyées ne vont pas finir dans la nature et servir à entraîner les modèles? Et là, j'ai envie de dire, en vrai, c'est presque un faux problème à partir du moment où on choisit bien sa solution technologique. Tous les grands éditeurs aujourd'hui ont bien compris que cette sécurité, cette prévalence des données, était leur fonds de commerce, qui ne veut pas se permettre, en tout cas, d'avoir des problèmes dessus et que très souvent, en fait, on ne crée pas de risques supplémentaires. Par exemple, si on choisit le même éditeur pour sa solution d'IA générative que celui qui héberge ses e-mails ou ses données clients, on parle Salesforce, Microsoft, Google, on est exactement dans ces cas-là. Si je me dis, si je veux utiliser les données qui sont déjà chez cet éditeur pour appliquer l'IA générative dessus, sachant que dans les contrats, c'est écrit que ça ne servira pas à entraîner les modèles, etc., en fait, on peut presque dire qu'il n'y a pas vraiment de risque supplémentaire qui est créé par rapport à ce que j'avais déjà aujourd'hui comme situation. Ça veut encore dire que c'est des vrais sujets. Il faut choisir les solutions qu'on utilise, éviter les éditeurs peut-être exotiques pour mettre des données clients ou des données confidentielles, etc. Mais si on s'y prend de la bonne manière, en tout cas, on peut très bien le gérer. Il y a de nombreuses solutions qui existent aujourd'hui qui sont à la fois performantes et dans les clous côté sécurité et compliance. »
Julien Redelsperger: « D'accord, parfait. Très bien, très clair. On va approcher la fin de notre entretien, mais peut-être encore deux, trois questions sur le sujet de l'adoption de l'IA en entreprise. Je suis curieux de savoir qui doit piloter ces projets de transformation. Est-ce que c'est le directeur général? Est-ce que c'est le COO? Est-ce que c'est la DSI? Les directions métiers? Qui pilote? Et comment toi tu navigues dans cette organisation en interne chez tes clients? »
Markus Geier: « Alors je dirais que pour nous, l'interlocuteur idéal, c'est ce qu'on disait tout à l'heure, c'est les dirigeants métiers. Parce qu'encore une fois, on ne fait pas des projets technologiques, on fait des projets qui vont servir les métiers. Et souvent aussi, c'est qu'on se rend compte que quand on fait ces projets d'IA générative, au final on va mixer cet IA générative avec d'autres technologies, de la BI, du low-code pour créer des parcours et des outils complets. Et ceux pour moi qui ont un intérêt à ce qu'on transforme les métiers par la digitalisation, ça reste quand même les personnes du métier. Après, bien entendu, on va aller travailler avec les personnes aussi côté DSI, parce qu'à un moment donné, on doit être dans la philosophie et la vision SI de ses clients. On doit utiliser les ressources aussi, parce qu'il n'y a pas que des contraintes qui sont déjà mises à disposition par la DSI pour pouvoir aller plus vite au final et aussi délivrer sans rajouter des coûts complémentaires. Pour moi, c'est un petit peu le binôme, en tout cas idéal, qu'on doit avoir. Et après, il y a un troisième personnage aujourd'hui qu'on voit de plus en plus, qui est le CEO, directeur des opérations, qui est un peu un mix souvent métier, DSI et qui a une très forte vision aussi sur les coûts et les gains et qui regarde de près en tout cas ses projets. Donc ça, même au-delà des sujets de d'IA génératove, sur tous les projets digitaux, c'est un peu dans l'air du temps de regarder de plus près en tout cas aussi la performance de ses investissements. Ce sont des gens qui ont déjà aujourd'hui souvent des très gros sujets à gérer avec de la dette technologique, qui des fois empêche d'aller vite et qui coûtent aussi beaucoup d'argent et donc c'est toujours intéressant dans ce contexte-là de dire oui, je vais bien utiliser en tout cas toutes ces ressources. Et on s'est aussi posé la question sur le gain qu'on allait faire avant. On a dépassé ce stade où on fait juste des POC pour s'amuser et pouvoir dire sur l'app seller de LinkedIn, j'ai fait mon petit POC IAG, je suis content, j'ai accroché le truc au mur, mais ça ne m'a servi à rien. »
Julien Redelsperger: « Ok, très bien. Markus, quels sont les signes qui montrent qu'une entreprise est prête à intégrer l'IA dans ses processus? Comment tu détectes un niveau de maturité suffisant pour se dire go, ce client-là, il est mature, il est prêt à travailler sur des sujets IA? »
Markus Geier: « Alors je ne sais pas s'il y a des caractéristiques au prime abord où je me dis là je peux, là je ne peux pas. En fait, c'est plutôt un échange. Je me rends compte que quand je partage en toute modestie notre vision de l'IA générative, j'écoute qu'il y a une vision très pragmatique, très orientée métier, résultats et pas sur des sujets où on veut tout révolutionner, mais on va chercher des premiers résultats et enchaîner dessus. Au final, il n'y a pas de raison qu'une entreprise ne soit pas prête à ça aujourd'hui. Moi, je leur dis toujours aussi, au-delà de vous mettre dans cette optique de dire il faut que j'y aille pour ne pas disparaître, c'est plutôt d'être vous qui a un potentiel en fait et que ce serait dommage de passer à côté. Donc lancez-vous, essayez, apprenez en avançant. Moi, je dirais plutôt que je pense que toutes les entreprises aujourd'hui peuvent se lancer et après le sujet, c'est plutôt par quel bout on le prend et c'est un dialogue à voir pour réussir à les embarquer. Comme je dis, une entreprise, après c'est plus aussi les personnes avec qui on discute, ça a du mal au final à atterrir sur cette chose pragmatique et qui nous disent toujours ah non, mais moi je veux le truc de l'espace qui fait le café, qui fait ci, qui fait ça et tout changer. Là, il faut leur laisser un peu de temps peut-être aussi des fois de voir qu'ils n'arriveront pas à faire ça à court terme et que ce n'était pas forcément le bon sujet pour démarrer et après on revient un peu dans un deuxième temps. Je pense que ça, c'est quelque chose qu'on observe assez globalement aujourd'hui, où il y a eu la première hype autour de cet piège narratif, tout le monde se lançait, s'en parlait beaucoup et aujourd'hui, j'ai envie de dire, ce n'est pas du tout que ça y est, la bulle a éclaté. Je pense que c'est plus qu'on en revient à quelque chose, on en parle peut-être un peu moins et sur des sujets plus réalistes, ce que moi je trouve très bien. On est plutôt en train de se dire, ok, maintenant qu'on a un petit peu fait tout dit, tout ça, qu'est-ce qu'on va vraiment pouvoir en faire, comment on va le déployer? On a aussi appris qu'il fallait bien accompagner le changement pour revenir à notre sujet et d'avoir un peu plus, je pense que âge de maturité, c'est encore un peu tôt en tout cas par rapport à la jeunesse de cette technologie, mais qu'on se rapproche vers quelque chose qui est plutôt dans cette optique-là. »
Julien Redelsperger: « Justement, si tu te projettes dans un an, deux ans, cinq ans, dix ans, ça va ressembler à quoi l'IA générative en entreprise? Et je sais que l'exercice est difficile. »
Markus Geier: « Au risque de décevoir, je n'en ai aucune idée. J'adore cette citation qui est de dire, je ne sais plus de qui c'est, malheureusement je ne pourrais pas le citer, qui dit qu'il pense qu'on surestime l'impact de l'IA générative à court terme, mais qu'on le sous-estime sur le moyen long terme. Et moi je pense que ça, c'est quelque chose de très vrai au final et que j'ai aussi apprécié. Honnêtement, je pense que oui, effectivement, on va de plus en plus l'utiliser au quotidien pour nous aider à accélérer sur certains sujets, mais qu'est-ce que ça va être, je ne sais pas. Et tu vois, c'est un exemple aussi très concret. Comme je disais tout à l'heure qu'avant, on mettait trois mois pour faire un projet qu'aujourd'hui on peut faire en deux semaines. Nous, en tant qu'entreprise de service, on s'est aussi posé quelques questions par rapport à notre business model, parce que ça veut aussi dire qu'à un moment donné, qu'est-ce qu'on fait, est-ce que ces jours qu'on fait, est-ce qu'on doit les vendre plus cher parce qu'on crée plus de valeur, est-ce qu'on doit plus se mettre, avoir une approche un peu de success-fee sur des résultats qu'on fait plutôt que de rester sur des approches très classiques de facturation. Aujourd'hui, honnêtement, moi je ne sais pas trop en tout cas vers quoi on va avancer. Et pour moi, ce qui est important, c'est de prendre le sujet suffisamment tôt et de prendre vraiment avec une bonne dose d'esprit critique, en tout cas pour apprendre. Au final, par un moment donné, se faire dépasser par le sujet, mais d'être un peu à la manœuvre aussi sur la manière dont on va vouloir l'utiliser. »
Julien Redelsperger: « Je vais terminer avec un peu de provoque, mais est-ce que Chad GPT ou l'IA Générative peut faire ton job? Est-ce que les cabinets de conseil et les consultants finalement ne sont pas à risque d'être Uberisés par l'IA Générative? Est-ce que tu es remplaçable Markus? »
Markus Geier: « Je pense que je suis remplaçable, c'est ce qu'on disait tout à l'heure, sur certaines activités, mais pas sur d'autres au final. Et tu vois, à un moment donné, il y a l'expérience, c'est aussi une vision personnelle d'où j'ai envie d'emmener mes clients, de l'échange que je peux avoir avec eux, de capter aussi leurs attentes, leurs besoins, et à un moment donné, de mettre plusieurs choses ensemble, en tout cas avec l'état de l'IA Générative, aujourd'hui je suis assez tranquille sur mon sujet parce que je me dis qu'il y a encore beaucoup de marge avant qu'on n'arrive à là. Je sais aussi qu'à un moment donné, il y avait un peu aussi cette course à l'annonce et à l'innovation, et tous les grands cabinets de conseil avaient annoncé de déployer des bots en interne pour augmenter les consultants, et qui avaient même été, jusque là où je voulais en venir, de déployer des bots qui allaient faire le travail des consultants, des modèles qu'ils avaient entraînés sur tous les livrables, les études de cadrage, etc., qu'ils avaient faits dans les cinq, quatre, dix dernières années, et de faire un bot disponible pour leurs clients. Honnêtement, je n'en ai pas entendu parler depuis les effets d'annonce qu'il y a eu, donc je me dis qu'à un moment donné, les gens se sont peut-être rendus compte que en l'état actuel des choses, ce n'était pas la bonne approche. Après, je me dis aussi, à un moment donné, pour être sûr de ne pas être remplacé ou remplaçable, c'est aussi d'avancer avec le sujet, de le comprendre et de faire évoluer mon propre métier en intégrant l'IA Générative dans mon quotidien, c'est encore le meilleur moyen pour rester à la page et rester à la manœuvre sur le sujet plutôt que de le subir. En tout cas, aujourd'hui, honnêtement, j'y crois assez peu et j'ai plutôt envie de dire que c'est une opportunité fantastique. En plus, je trouve que, intellectuellement, c'est hyper intéressant et moi, ça me permet, tu vois, comme tu disais, ça fait une quinzaine d'années que je bosse sur des sujets digitaux et souvent, il y a des sujets qu'on ne peut pas aller chercher puisqu'il fallait trop de temps, trop de budget par rapport à ce que ça rapportait, qu'aujourd'hui, on peut faire très vite et du coup, ça rebat un peu l'écart de ce qu'on peut faire pour nos clients et de comment on peut les aider, des concepts. Là, on parlait du sales augmenté, on en parle depuis une bonne dizaine d'années. Je trouve qu'aujourd'hui, on a les moyens, en fait, de délivrer ça. Donc, moi, je me concentrais plutôt, en tout cas, sur ça et ce côté, en tout cas, que je trouve très enthousiasmant de travailler à cette époque, sur cette révolution technologique et après, on verra en tout cas ce qui arrive mais l'idée, c'est de suivre pour être prêt. »
Julien Redelsperger: « Écoute, ce sera la conclusion de cet épisode. Merci beaucoup, Markus. Alors, à la fin de chaque épisode, l'invité du jour doit répondre à une question posée par l'invité précédent. En attendant d'écouter la tienne, je te laisse écouter celle de Yoann Lopez qui est créateur de contenu et fondateur de Snowball qui est un collectif de newsletters consacré aux finances personnelles. On écoute sa question. »
Yoann Lopez: « Si demain, quasiment tout le monde peut créer un business de plusieurs millions ou voir plusieurs milliards solo, à quoi va ressembler le monde de l'entrepreneuriat demain si toutes les valorisations sont des trucs gigantesques à plusieurs milliards? Est-ce qu'il va y avoir un changement de paradigme où tu n'auras même plus besoin de bosser parce que tu as toutes les IA qu'ils font et tout le monde est riche? Je me pose souvent cette question de me dire si demain tout le monde peut lancer un business simplement sans avoir besoin de faire des études, qu'est-ce que ça va changer dans la société? On parle souvent Sam Altman, il parle de revenus universels parce que demain, ce ne sera que des IA. Je suis curieux de savoir ce que les gens pensent de ça. »
Markus Geier: « Je connais un peu Yoann Lopez parce que j'étais abonné ou je crois que je suis encore abonné à sa newsletter. Donc je pense qu'effectivement, il y a un vrai sujet. Après, moi, je pense qu'il faut relativiser. On n'est pas du tout dans cette idée de dire que demain, on aura plus besoin de travailler parce qu'on aura des IA qui feront tout à notre place. Après, je pense qu'il y a un vrai sujet de société, c'est de dire qu'est-ce qu'on fait si on a beaucoup plus de temps libre? Comment on occupe les gens? Comment on crée du lien social? Comment on redistribue aussi les richesses? Donc je pense que ce sont des sujets importants. Après, je pense qu'on a encore un peu de temps pour y réfléchir. Mais effectivement, je pense qu'il faut commencer à y réfléchir dès aujourd'hui. »
Julien Redelsperger: « Très bien, parfait. Merci beaucoup de ta participation, Markus. Je rappelle que tu es associé et consultant chez Twelve Consulting, un cabinet de conseil notamment spécialisé dans le développement des nouvelles technologies et l'implémentation des projets à base d'IA. Merci beaucoup d'avoir participé à ce podcast. »
Markus Geier: « Merci à toi, Julien. Merci beaucoup pour l'invitation. Ravi d'avoir eu cet échange avec toi. »
Cette transcription a été réalisée par un outil d'intelligence artificielle. Elle n'est peut-être pas 100% fidèle au contenu d'origine et peut contenir des erreurs et approximations.