E-réputation : l’IA vous juge déjà (et vous ne le savez sans doute pas).
Vous êtes-vous déjà demandé ce que l’intelligence artificielle dit de vous ? Dans cet épisode d’AI Experience, Julien Redelsperger reçoit Édouard Fillias, cofondateur et CEO de l’agence de communication digitale JIN, pour décrypter un sujet devenu stratégique : la gestion de l’e-réputation à l’ère de l’IA. Alors que ChatGPT et d’autres moteurs génératifs prennent peu à peu la place de Google dans les usages, votre image numérique est désormais filtrée, résumée et parfois altérée par des intelligences artificielles. Peut-on encore la contrôler ? Que faire lorsqu’un résultat erroné ou incomplet circule ? Qui surveille ce que l’IA dit de vous, de votre entreprise ou de vos produits ? En s’appuyant sur son expérience terrain et les premiers cas concrets qu’il accompagne, Édouard Fillias explore les bouleversements en cours et les leviers d’action pour ne pas subir cette transformation.

Spécialiste de l’influence et de la réputation, Edouard (IEP Paris, HEC), est co-fondateur et CEO de l’agence de communication digitale JIN. Après un parcours en agence et en startup, avec comme fil d’ariane le digital, il co-crée JIN pour forger l’agence d’influence du futur, à la croisée des chemins entre la technologie et le conseil, avec un horizon résolument international.Edouard est également auteur (E-Réputation : Stratégie d’influence sur Internet, Ellipses, 2012), (Manuel de survie sur Internet, Ellipses, 2019), (Manuel de l’influenceur, Ellipses, 2021) et éditeur en charge de la collection Actu’Gestion / Web chez Ellipses (Darknet, mythe et réalités, Youtube Marketing, The Secret of Hedgefunds, Storytelling and Brand Content, Crowdfunding : essentiel secrets, etc.).Il est chroniqueur sur BFM Business et intervenant régulier sur les sujets de communication et d’influence, ainsi que vice-président du think tank Génération Libre.

Édouard Fillias
Co-fondateur et CEO
Julien Redelsperger: « Et pour cela, j'ai le plaisir d'être accompagné par Edouard Fillias, qui est cofondateur et CEO de l'agence de communication digitale JIN. Un des objectifs de l'agence est de créer de l'impact, de rendre ses clients visibles et de maîtriser leur réputation. Et ça tombe bien, car aujourd'hui, nous allons parler d' e-réputation à l'ère de l'intelligence artificielle. Edouard a également co-écrit avec Alexandre Villeneuve, le manuel de survie à l'IA paru aux éditions Ellipse. Bonjour Edouard, merci de participer à cet épisode d'AI Experience. Comment vas-tu ? »
Édouard Fillias: « Bonjour Julien, très bien. Merci de ton invitation. »
Julien Redelsperger: « Écoute, avec grand plaisir. Alors peut-être Edouard, avant de rentrer dans le vif du sujet, est-ce que tu veux bien expliquer concrètement ce qu'est l' e-réputation d'une entreprise ou d'une personne ? Et surtout, pourquoi c'est important ? »
Édouard Fillias: « L' e-réputation, c'est une idée nouvelle, mais déjà plus tant que ça, puisqu'elle est née au tournant des années 2000, quand chacun a pu réaliser qu'il avait une identité numérique. Donc chacun, c'est vous et moi, les individus, qui cherchent un job, qui cherchent l'âme sœur, qui cherchent tout simplement à louer leur voiture un week-end sur une plateforme. On a tous une image digitale, on est tous l'objet d'avis, de commentaires, de l'adhésion d'une communauté plus ou moins large. Et ce qui est vrai pour nous en tant qu'individus, c'est aussi pour une entreprise, pour une organisation, pour, pourquoi pas, un mouvement, qu'il soit culturel, politique, une œuvre, à une réputation numérique. Et en réalité, c'est un phénomène nouveau dans le monde, cette idée qu'on a une deuxième version de nous-mêmes, un clone numérique, avec lequel on doit composer et qui interagit sur qui nous sommes vraiment, positivement ou négativement. Mon métier, c'est de gérer ce clone numérique pour nos clients. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Alors justement, qui sont tes clients et pourquoi est-ce qu'ils viennent te voir ? C'est quoi concrètement leur problématique ? »
Édouard Fillias: « Il y a deux types de problématiques. C'est assez simple. Il y a les clients qui ne sont pas assez connus, ou pas connus du tout. Donc l'enjeu est là de construire leur réputation numérique, leur autre version d'eux-mêmes, de les aider à émerger et à se faire connaître ou reconnaître. Ça, c'est un grand cas de figure. Derrière l'enjeu, c'est préparer, quand on est une entreprise, un plan de croissance externe, une mise en bourse, de gérer le lancement d'un nouveau produit, d'attirer des talents. Quand on est un particulier, ça arrive aussi, on est peut-être candidat aux élections, une vedette qui veut relancer sa carrière. Voilà, on a un projet et la notoriété, la réputation doit être mise au service de ce projet. Ça, c'est une famille de besoins. Une autre famille de besoins, c'est ceux qui souffrent d'une mauvaise réputation numérique. Alors, elle peut être mauvaise parce qu'elle est entachée par des difficultés, un produit catastrophique, une très mauvaise expérience client. Voilà, Ubisoft, par exemple, qui aujourd'hui n'est pas bon client, doit composer avec une mauvaise réputation numérique. Mais ça peut être aussi lié à une incompréhension, à un désalignement historique sur le positionnement de la marque. Et il y a un décalage entre ce qu'on pense être la société ou la personne et ce qu'elle est vraiment.Donc, dans un cas de figure, on n'est pas connu. Dans l'autre, on voudrait être connu autrement. Voilà, c'est les deux types de besoins de nos clients. »
Julien Redelsperger: « Alors, j'imagine que tes clients préfèrent rester discrets, mais sans rentrer, sans donner des noms en tout cas. Mais c'est plutôt quel secteur d'activité, quel type d'entreprise, PME, grands groupes, quel secteur, quel type de profil ? »
Édouard Fillias: « Alors, le sujet de la réputation numérique concerne absolument tout le monde et tous les types d'entreprises. On travaille chez Gene aujourd'hui avec des grands groupes, l'Euroboig, l'Europacor, le Confédéral, l'Electrique, le groupe Ferreiro. On a aussi la chance d'accompagner de très belles PME, les laboratoires Brottier, par exemple, et puis d'autres, et aussi les particuliers. Donc, aujourd'hui, pour un groupe, côté gérer sa réputation numérique, c'est devenu obligatoire. Donc, ce n'est plus comme si on avait le choix. En réalité, il faut le faire. Donc, on reviendra sur comment faire, mais en tout cas, il faut le prendre en main parce que c'est considéré comme une faute professionnelle que de ne pas le faire. Alors, la question de l'ETI ou de la PME, elle se pose plus parce que c'est des moyens, c'est du temps et de l'énergie. Est-ce qu'on le consent ou pas ? Est-ce que cet investissement dans la réputation numérique peut générer plus de business ? C'est souvent ces termes que la question se pose. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Pour une entreprise, qui pilote ce sujet au sein de l'entreprise, de l' e-réputation ? Est-ce que c'est le marketing ? Est-ce que c'est le grand patron lui-même ? Est-ce que ce sont les RH ? C'est qui tes interlocuteurs ? »
Édouard Fillias: « Alors, quand il y a une crise de réputation numérique et que les choses s'emballent, le patron est tout de suite au courant et c'est le premier à vouloir aller sur LinkedIn ou sur le site d'avis pour répondre. Hélas, parce que c'est souvent une très grosse erreur, il faut le retenir, d'essayer de se défendre ou d'argumenter lui-même ou d'appeler de façon sauvage tel influenceur, tel journaliste, tel etc. Donc, quand c'est une shitstorm, si tu veux, oui, le dirigeant est souvent en première ligne et souvent l'actionnaire aussi. Il y a un sentiment de colère, de révolte qui naît souvent de la perception d'une injustice. À mon image digitale et salie, où j'ai un problème numérique, mais ce n'est pas qui je suis. Dans la réalité, ces accusations sont injustes, donc il faut que je rétablisse la vérité très vite. En temps de paix, c'est souvent plutôt le domaine du directeur de la communication, du directeur du marketing éventuellement, que de gérer la réputation numérique et puis d'en faire un asset pour l'entreprise. C'est tout ce qu'on essaie d'expliquer à nos clients depuis 15 ans, depuis qu'on a créé Gide et puis même antérieurement, puisqu'on a commencé ce job de la gestion de la réputation numérique en 2006. Si tu fais bien ce travail de création d'une empreinte numérique solide, ça devient un vrai actif pour l'entreprise, sur lequel on peut construire des stratégies de gestion de la crise, du développement commercial et plus généralement un rayonnement favorant. »
Julien Redelsperger: « D'accord, parfait. Très clair. »
Julien Redelsperger: « Aujourd'hui, quand on s'intéresse à la e-réputation d'une personne ou d'une entreprise, on va faire quelque chose qui est simple, on va googler, on va aller sur Google, on pose des questions sur cette personne ou sur cette entreprise. Le problème, c'est que les choses sont en train de changer très rapidement. Novembre 2022, ChatGPT est sorti et aujourd'hui, on a un peu l'impression qu'il peut parfois se substituer à Google. On pourrait donc demander à l'IA d'avoir un avis sur la réputation d'une entreprise ou d'une personne. Pour toi, Edouard, en quoi est-ce que ça change la gestion de l' e-réputation, cette démocratisation de l'intelligence artificielle ? »
Édouard Fillias: « Là, on est sur une rupture fondamentale. Ça fait 20 ans qu'Internet fonctionne sur le principe du search. Donc, l'algorithme des liens croisés de Google, qui, pour ceux qui ne le sauraient pas, est inspiré de la façon dont les travaux de recherche sont valorisés. Donc, plus je cite un expert, plus il est important. Eh bien, l'algo Google fonctionne basiquement comme ça. Plus un site est au cœur d'un nœud de lien, plus il est considéré comme crédible et recommandé sur tel ou tel mot-clé. Donc, je simplifie parce qu'entre-temps, l'algorithme de Google a beaucoup évolué. Il a pris en compte la dimension social media, la dimension de la popularité. Il a pris en compte l'autorité de certains sites, les sites gouvernementaux ou les sites de grands médias. Mais le principe, c'est le même. C'est des mots-clés qui permettent de situer un site dans un contexte. Là, on entre dans un nouveau monde, qui est celui de la recherche en langue naturelle, adressé à une IA. Aujourd'hui, il y a encore une grande concurrence des IA. On voit bien que Perplexity, ChatGPT, Mistral, chacun offre son interface. Il y a une bataille, en réalité, plus des interfaces que des IA. Quelle est l'interface qui va être la plus simple, la plus ludique, la plus convaincante à l'usage ? C'est encore une fois l'usage qui, sans doute, va trancher plus que la technologie. On s'en souvient, Google a plié le match des moteurs de recherche parce qu'ils sont arrivés avec une page blanche, avec une barre au milieu. Donc, le job aujourd'hui de la gestion de la réputation numérique est en train de changer puisque, désormais, les moins de 25 ans utilisent l'IA comme point de départ de leur recherche, que ce soit sur leur téléphone ou que ce soit sur un desktop. On va commencer, finalement, à se renseigner sur un produit, un achat, un comportement, et on va pouvoir faire des choses. On va pouvoir faire des choses. On va pouvoir faire des choses. Un individu, une entreprise, d'abord sur les moteurs d'IA. Et les moteurs d'IA ont des algos, des façons de prioriser le contenu, dont on va reparler, mais qui sont d'une nature assez différente du search classique. Donc, tout l'enjeu de notre métier aujourd'hui, c'est de s'adapter à cette nouvelle donne de la recherche d'information pour continuer à gérer, en fait, sa réputation numérique, mais désormais plus avec le SEO, mais avec ce qu'on appelle le GEO. Alors, GEO, c'est un terme qui a été proposé par l'Université de Paris, par HubSpot un peu plus tôt, en 2024, je crois, à l'automne. C'est Generative Intelligence, Generative Intelligence Engine Optimization. Donc, voilà. Donc là, on est en train de rentrer dans un nouveau paradigme qui est celui de l'optimisation du GEO, et plus du SEO seulement. »
Julien Redelsperger: « D'accord. »
Julien Redelsperger: « Toi qui travailles dans le domaine de l'e-réputation depuis très longtemps, est-ce que tu as vu venir ce virage de l'IA générative ? »
Édouard Fillias: « Oui. »
Julien Redelsperger: « Quand ChatGPT s'est lancé, quelle a été ta réaction ? Est-ce que tu t'es dit, waouh, là, il se passe quelque chose, ça va vraiment changer mon quotidien ? Ou finalement, tu as laissé plutôt venir, tu t'es adapté ? C'était quoi ton sentiment à l'époque ? »
Édouard Fillias: « Non, mais moi et mes amis, mes associés, on est tous des geeks, des fondus. Moi, je me suis intéressé très tôt aux réseaux sociaux parce que je suis un des premiers joueurs en Europe de l'MMO, quoi. Et donc, le principe de la communauté et de son interaction avec l'image numérique, en réalité, elle est partout dans les mondes virtuels. Donc, si on s'intéresse à ces sujets, on ne peut que s'intéresser à l'IA, mais pas depuis deux ans, mais depuis 30 ans. L'IA, aujourd'hui, elle trouve son inspiration dans l'imaginaire de Ghost in the Shell, de Akira, et puis même avant de Blade Runner, et puis même avant de Philippe Kedic, et je peux même remonter jusqu'à Metropolis. Donc, en réalité, la réalité est en train de rejoindre notre fantasme, notre fiction, à nous, les passionnés d'Internet, qui se menaient dedans. On l'attend. De longue date, cette IA. C'est juste l'avènement de quelque chose qui était tellement attendu et prévisible. On ne lui donnait pas le nom d'IA générative, on lui donnait d'autres noms. Par exemple, on parlait de Web Sémantique, cette capacité qu'Internet avait de devenir un immense corpus documentaire dans lequel on aurait pu surfer par thème et laisser de se relier automatiquement les uns et les autres en fonction de leur centre d'intérêt. Donc, le Web Sémantique, Taïga, qui est l'un des premiers IA de veille et d'études des corpus digitales qui est utilisé en France dès 2002. Les logiciels de veille, comme TalkCooker, Digimind, ont eu de cesse d'essayer de proposer des fonctionnalités IA pour mieux comprendre la donnée, mieux la lire. Là, on arrive... Et puis, par exemple, depuis que je bosse dans ce domaine, depuis une vingtaine d'années, la quête philosophale de la tonalité, est-ce qu'une machine est capable de détecter si je suis ironique, si je suis en colère, si je suis de bonne humeur ? Ça fait vingt ans que non. Et qu'on promet vaguement aux clients que peut-être on saura dire si tel contenu, tel post, tel avis est positif, négatif ou neutre. Ça n'a jamais vraiment marché. La rupture nette que l'IA permet aujourd'hui, et là, c'est ça qui est incroyable, c'est que oui, elle comprend le sous-texte. Elle comprend les interactions humaines de façon très fine. Elle est capable de ranger ces interactions comme du autre. Nul autre moteur avant elle. Mais est-ce qu'on est surpris ? Non, on l'attend. On l'attendait depuis longtemps. »
Julien Redelsperger: « Alors toi, tu me dis, tu es passionné de technologie. Tu as vu l'évolution du web au cours des vingt dernières années. Ce n'est pas forcément le cas de tes clients, des dirigeants d'entreprise avec qui tu parles. C'est quoi leur état d'esprit quand tu leur parles de l' e-réputation ? Est-ce qu'ils comprennent le sujet ? »
Édouard Fillias: « D'abord, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que dans un groupe, le temps d'adoption de l'innovation est lent. Ça met des années. Donc nous, on est dans une bulle qui en plus accélère. Il y a quasiment une nouveauté par demi-journée désormais. On va de ça très vite. Le rythme d'un groupe comme Thales, Bouygues, General Electric, c'est un rythme d'adoption lent de l'innovation. De l'extérieur, on peut se dire, c'est nul, ils sont lents, ils ne sont pas réactifs. En réalité, c'est aussi un mécanisme de défense pour eux. Parce que ça permet de s'assurer que les investissements très lourds requis pour se transformer sont faits à bonne échéance. Heureusement que le métaverse n'a pas provoqué une rupture radicale chez nos clients parce qu'ils auraient eu le bec dans l'eau. Heureusement que le manager génial qui se lève un matin en se disant qu'il va déplier telle technologie, il a des contre-pouvoirs. Il a un directeur financier, un directeur des achats, un patron des actionnaires, que c'est compliqué. C'est ce qui fait d'ailleurs que les grands groupes survivent à la fin. C'est aussi leur capacité à regarder l'innovation avec une forme de circonspection et à s'y adapter lentement. Mais les clients, ils voient la technologie comme des couches. On en est à la troisième couche. La première, ça a été celle des sites internet. Ça a débuté à la fin des années 90 et puis ça a duré jusqu'à 2006. Il fallait s'équiper de sites, il fallait repenser le commerce. C'est la période de l'émergence des premiers outils de search, du principe du SEO, et du balbutiement du marketing digital moderne. Ensuite, la deuxième couche, c'est le social, évidemment, qui a été une rupture dans la façon d'interagir avec ses clients, avec les journalistes. Une rupture dans la pyramide de l'information, puisqu'on rentrait tout à coup dans une société multicanale où chaque individu avait une capacité à s'exprimer, faire passer ses messages, etc. Mais une rupture fondamentale. Qui, aujourd'hui, s'assied à 20h01 pour regarder le JT ? Plus personne. On est dans un autre monde médiatique et c'est notamment grâce ou à cause des réseaux sociaux. Et là, on rentre dans un troisième temps de cette mutation numérique, cette mutation cyber qu'il y a, qui n'est pas un changement de degré, qui est un changement de nature profond, qui va appeler à une refonte de notre façon de penser. On ne pensera plus pareil après l'IA et puis on ne s'organisera plus pareil. Et ça, j'avoue qu'on n'est qu'au début de l'immense innovation que ça représente. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Pour revenir sur le sujet de l'e-réputation, tu le disais en début d'entretien, les entreprises ont vraiment appris à optimiser leur SEO, leur référencement pour apparaître dans les premières pages de Google, pour polir un petit peu leur profil, apparaître sous un bon profil. Aujourd'hui, avec l'IA, qu'est-ce qui change et est-ce qu'on peut vraiment influencer ce qu'une IA générative peut dire sur nous ? Concrètement, à quoi ressemble ce qu'on appelle le prompt engineering en matière d'e-réputation ? »
Édouard Fillias: « L'IA, des sources d'informations qui sont d'être assez claires. Alors, elles varient d'une plateforme à l'autre, mais il y a une forme de grande récurrence. Il y a d'abord les forums et les sites de discussion qui sont une matière première très riche. Reddit, par exemple, est une des grandes sources de l'IA aujourd'hui et de son actualisation. La presse. Alors, la presse qui a un accord avec l'IA ou pas, mais désormais, beaucoup de titres ont des accords avec les plateformes et donc nourrissent de leurs données et de leurs historiques les réponses. Wikipédia, évidemment, qui reste une source d'informations majeures pour l'IA et le SEO traditionnel. Je pense notamment à chaque GPT qui utilise Bing comme une des sources et les classements que Bing propose d'informations. Donc, le SEO est quelque part encore aujourd'hui dans la contribution à l'algo de l'IA tout en étant influencé par elle, puisque désormais Google propose, par exemple, des liens dont le résumé est écrit par l'IA avant même qu'on ait cliqué sur le site. Donc, on est sur ce type de sources. Il y a des sources d'actualité aussi, mais la mise à jour des robots IA aujourd'hui n'est pas quotidienne pour des raisons de calcul et de stockage. Ça va venir sans doute. C'est-à-dire, on verra apparaître des bots qui creuleront Internet en permanence pour nourrir les IA. Aujourd'hui, elles ont plutôt tendance à aller vers ces corpus froids que sont donc la presse, les avis, Multipédia et le SEO existant. Les résultats ne sont pas pondérés, ils ne sont pas présentés de la même façon d'un moteur à l'autre. Donc, il y a des nuances. La première question qu'un client peut se poser, c'est est-ce que je figure dans les résultats proposés par les différentes IA ? Et comment j'y figure ? Est-ce qu'on parle de moi avec sincérité ? Est-ce qu'on parle de moi de façon complète ? Est-ce que j'y figure de façon pertinente ? Donc, la présence et la pertinence sont deux scores qu'on calcule déjà avec les équipes de Gene pour chacun de nos clients. »
Julien Redelsperger: « Est-ce que ça veut dire qu'il faut, de temps en temps, aller chercher sur ChatGPT ou Gemini ou Llama, ce que dit l'IA sur mon entreprise ou sur moi-même, comme on pourrait le faire sur Google ? »
Édouard Fillias: « Notre proposition aujourd'hui, et ce qu'on fait pour nos clients, c'est qu'on met en veille les IA. Tous les jours, on check les résultats. On va renvoyer sur le nom des dirigeants, le nom des produits, le nom des clients pour regarder si ces résultats ont évolué, s'ils ont été impactés par d'autres et alerter et prévenir éventuellement le client en fonction. On mesure aussi les résultats des IA pour évaluer l'impact des actions correctives qu'on y mène. Alors, les actions correctives ou les actions de réputation, c'est faire monter un article, obtenir un bon papier, obtenir des commentaires, des commentaires sur une campagne pour le client, sur une de ses prises de parole. Est-ce que ces actions de communication sont interprétées et comprises par les plateformes d'IA et font évoluer les résultats ? Je ne vais pas donner d'exemple précis, mais dans la santé, par exemple, il y a un vrai enjeu, puisque beaucoup d'IA sont désinformés soit sur les pathologies, soit sur les traitements. Et nos clients, laboratoires pharmaceutiques, sont extrêmement préoccupés par le rétablissement de la vérité, déjà, dans l'intérêt de leurs patients et puis de leur intérêt à eux aussi, qu'une fausse science ne vienne pas se substituer. Donc là, il y a, dans l'immédiat, un grand chantier de correction et d'information juste de l'IA qui me fait vraiment penser au début de Wikipédia et qui sera une des priorités des mois à venir. »
Julien Redelsperger: « Mais comment tu fais pour identifier les leviers d'ajustement, par exemple, même si l'algorithme de Google, c'est une boîte noire, on connaît à peu près les grands leviers. En revanche, pour les moteurs d'intelligence artificielle générative, c'est beaucoup plus compliqué. On n'a aucune idée de ce qui peut vraiment les influencer. »
Édouard Fillias: « Non, non, pas du tout. Par exemple, chaque GPT publie ses sources, désormais, la version premium.Mais je crois que dans la version gratuite, ils le font aussi, mais de façon plus partielle. Partielle, pardon. Donc les sources des moteurs sont indiquées dans les résultats qu'elles renvoient. On sait que telle réponse a été inspirée par le forum Que Choisir, par un article dans Le Monde, par telle page Wikipédia. Donc on voit les sources utilisées par le moteur. C'est vrai aussi pour Gemini, et c'est vrai pour Perplexity. Donc la plupart des IA publient désormais leurs sources. Certaines font même des notices pour expliquer la façon dont le corpus sur lequel le travail a été formé. Donc elles font des efforts pour se rapprocher d'une certaine compliance. Ce que le grand reproche qui leur est fait, c'est évidemment le pillage de la propriété intellectuelle des médias et des sites internet. Et donc on voit quand même un effort de normalisation et d'explication des IA sur les sources qui sont les leurs. Alors est-ce que c'est une science exacte ? Non, et ça change. Il y a des choses qui sont surprenantes, des sites complètement anecdotiques qui semblent surreprésentés. N'empêche que j'ai publié une vidéo début janvier que j'invite chacun de nos auditeurs à aller voir où je compare quelques grandes recherches. Par exemple, bien acheter son premier logement. Google, YouTube d'un côté, Instagram et TikTok, versus, Perplexity, Gemini de l'autre côté. Ça c'était ma première recherche. Que penser de la stratégie du groupe Total ? Je me mets dans l'esprit d'un actionnaire. Et puis, quels sont les traitements pour un cancer du poumon ? Voilà trois recherches très simples. J'ai publié ces résultats dans cette vidéo. Ils sont sans appel. La qualité des résultats qu'on obtient avec les IA est infiniment supérieure. Par exemple, chaque GPT va sourcer sur l'académie de médecine. Il va regarder des sources très crédibles en matière de santé et il va faire une réponse synthétique sur le traitement du cancer du poumon, là où sur Google, on va tomber sur des tas de résultats anecdotiques, des vidéos de malades qui sont intéressants en tant que tels, mais qui ne répondent pas à ma question. Bien acheter son premier logement, c'est encore pire, puisque dans l'univers classique du marketing digital, on y trouve tous les marchands du temple. Quand tout le monde essaie de me vendre un prêt immobilier, etc., l'IA, elle me répond avec sept conseils. Elle me fait ma checklist. Et là aussi, les sources qu'elle utilise sont très fiables et très fortes. Donc aujourd'hui, il y a quand même un énorme avantage à utiliser l'IA en termes de search du point de vue de la fiabilité des résultats. »
Julien Redelsperger: « Est-ce que toi, de ton côté, au quotidien, ChatGPT a remplacé Google ? »
Édouard Fillias: « Moi, j'avoue que j'utilise encore Google. J'utilise beaucoup ChatGPT, beaucoup les IA et je suis un grand consommateur de ces technologies, notamment ChatGPT, que j'aime bien. Mais j'utilise encore le search, ne serait-ce que pour savoir ce qu'on y trouve, d'une part, et aussi par habitude. Donc je pense que une partie de la population mettra du temps à changer ses usages. Et comme je te le disais, ça passera sans doute par l'invention de nouvelles interfaces. J'ai pas le sentiment que ces interfaces sont encore là. Alors est-ce que c'est une interface qui sera sur le téléphone et qui permettra d'avoir cette conversation complètement fluide avec l'IA sur ce que je souhaite chercher ? Je suis pas persuadé que la voix le permette. Parce que parler, c'est fatigant. C'est beaucoup plus rapide et facile d'écrire. Donc un doute sur la voix. Je pense que les IA ont encore du boulot à faire en matière d'interface. »
Julien Redelsperger: « Alors si demain un dirigeant d'entreprise découvre que l'IA diffuse une information erronée, voire une information diffamatoire à son sujet, qu'est-ce qu'il doit faire ? Quelle est la première chose à faire et par où aborder le sujet ? »
Édouard Fillias: « C'est une vraie bonne question. Déjà, il a toutes les chances de ne pas s'en rendre compte puisque aujourd'hui, le business n'a pas le réflexe. On est au début de cette tendance et autant la technologie va vite, autant les entreprises, comme je l'expliquais, sont plus lentes. Donc si d'aventure un de ses enfants testait pour lui ou un proche et qu'il se rend compte à sa grande stupéfaction qu'il était soit peu présent, soit peu pertinent, sans doute qu'il se tournerait vers son directeur de la com ou du marketing, mais lui-même aurait du mal à trouver un bon interlocuteur. Donc, il y a un peu de temps. Il n'y a pas encore de marché, en réalité, pour gérer ce qu'on appelle les high reputation ou les géos, ou on l'appellera comme on veut. Les boîtes traditionnelles de SEO, alors, no offense, on en trouve des deux côtés de l'Atlantique, et ce sont de grands professionnels. On sent qu'ils ne sont pas complètement partants pour expliquer qu'il va falloir réinventer complètement leur modèle économique et que dans l'avenir, le SEO traditionnel va disparaître. Donc, il y a aussi de la part de ces acteurs installés un peu de résistance. Mais les chiffres sont têtus. D'après SimilarWeb, on voit qu'il y a 6% des recherches mondiales qui passent désormais en première attention sur les IA, et ça ne va faire que se confirmer. Donc, je pense qu'on va voir apparaître de nouveaux acteurs, spécialistes de l'algo des IA, qui utiliseront sans doute des IA, d'ailleurs, pour prédire les évolutions de cet algo, et des contenus adéquats pour les influencer. Je voyais, d'ailleurs, avec intérêt que la propriété, la propagande russe, s'était emparée de ce sujet, puisque Pravda semble être le nom de code du programme que l'agence russe Internet utilise pour tenter d'influencer les IA occidentales. Donc, ça passe par la création de sites, la création d'articles sur des faux sites, pour intoxiquer les résultats que renvoient les IA des démocraties libérales. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Mais, je comprends un peu l'état des lieux, mais un grand patron qui nous écoute se dit, je ne sais toujours pas par où commencer. C'est quoi la première étape ? C'est d'aller courir chez un avocat ? C'est de décrocher son téléphone et d'appeler Monsieur Chadjipiti ou Mark Zuckerberg en Californie ? On fait quoi, concrètement ? »
Édouard Fillias: « Non, c'est une bonne question. Je dirais qu'il faut qu'il appelle les gens dont c'est désormais le métier de gérer la réputation numérique sur les IA, c'est-à-dire quelques agences. En France, JIN, mais à ma connaissance, on est la seule agence française à avoir une offre publique et structurée sur la gestion de la réputation sur les IA. Même si des confrères ont pu en parler, on est les seuls à avoir organisé un process de veille, d'écoute, d'analyse et d'influence. Je pense qu'il y a quelques confrères sans doute aux Etats-Unis qui existent aussi, mais c'est une offre tout à fait émergente. Je pense que le président de la société en question aurait intérêt à nous appeler ou à m'appeler moi. Après, l'approche, si tu veux, légaliste, c'est un peu comme il y a quelques années, demander le retrait d'un site ou faire des courriers, demander... C'est toujours d'abord s'exposer au risque de l'effet distraison, la reproduction de la plainte du client ad nauseum. Parfois, il y a des recours juridiques, on le voit bien avec les différents actes qui ont été pris sur le digital, on peut obtenir le retrait d'un site ou d'un contenu, mais souvent, l'approche de l'avocat n'est quand même pas la bonne en première intention. Il faut mieux une approche de communication. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Est-ce que tu as en tête des exemples qui ont bien marché ou qui ont moins bien marché en matière de gestion de l' e-réputation sur ces outils, justement ? »
Édouard Fillias: « Non, je ne peux pas donner le nom des dossiers, mais j'ai plusieurs clients, qui n'apparaissaient pas sur le chef GPT, en tant que tel. Donc, le nom de la personne renvoyait vers rien, ce qui était assez vexant pour le client, qui, par ailleurs, méritait en tout cas d'être connu. Donc, réparer ça, c'est valoriser la présence du client sur les articles de presse partenaires de la plateforme IA, veiller à ce que leur page Wikipédia soit mise à jour récemment, et ne pas hésiter à dire à l'IA que tel ou tel nom manque. Donc, une bonne pratique serait sans doute de s'adresser aux plateformes en question pour souligner à plusieurs reprises la biographie et le parcours du dirigeant qui soit figuré. Donc, ça dépend des différents moteurs et de leur fonctionnement, mais certains, en tout cas, prennent acte de ça. Alors, c'est difficile d'écrire aux sociétés, parce qu'elles sont toutes petites, par rapport au nombre de requêtes qu'elles ont à traiter. Donc, écrire à Perplexity AI, qui est d'ailleurs un des clients de Gene, pour sa communication, ou écrire à chaque GPT, c'est un peu peine perdue. Donc, il vaut mieux se concentrer sur les résultats numériques qu'on peut obtenir. Donc, on a réussi à faire apparaître les noms de quelques personnalités qui ne les figuraient pas. Je pense qu'elles auraient fini par apparaître, mais on a peut-être accéléré ce processus. Ensuite, sur cette pathologie dont je parlais, on mène un travail aujourd'hui pour corriger les informations qu'on y trouve et contrer les fake news pour le compte de ce client santé. Donc, j'espère voir des résultats probants d'ici quelques semaines, mais c'est un processus qui prend un peu de temps. Donc, on a lancé notre offre gestion de la réputation sur l'IA au 1er janvier. Donc, j'espère avoir plus de business case en mars et en avril. »
Julien Redelsperger: « D'accord. On refera un point dans un an. Tu me diras un petit peu ce qu'il en est. »
Julien Redelsperger: « Aujourd'hui, un dirigeant, selon toi, est-ce qu'il a plutôt intérêt à rester discret ou au contraire être très visible et très proactif pour éviter les risques réputationnels liés à l'IA ? Est-ce qu'il faut se cacher ou est-ce qu'il faut agir ? »
Édouard Fillias: « Je pense que se cacher, ce n'est pas possible. Pour un dirigeant, ça ne l'est plus. Donc, ne pas communiquer, c'est déjà communiquer en soi. C'est prendre une posture. Et plus généralement, ça s'inscrit dans le problème de la confiance. En qui avons-nous encore confiance ? Plus vraiment les élus ? De moins en moins, les entreprises et les institutions ? Pas réellement le corps scientifique ? Donc, on a encore confiance dans des figures d'autorité dites de proximité. Donc, les deux figures, par exemple, en France ou aux États-Unis, dans lesquelles les gens déclarent avoir une confiance spontanée, c'est celle du maire ou celle du patron de PME. C'est la patronne de PME de l'élu ou du dirigeant local. Donc, je pense que de ce point de vue-là, un patron, que ce soit le patron d'un groupe ou d'une PME, d'une ETI, ne peut pas se permettre de ne pas avoir, une disponibilité, une représentation et puis d'incarner ce canal de confiance. Et dès lors, il faut qu'il se pose la question un minima de sa communication. Alors, ce n'est pas évident parce que parfois, ils considèrent que ce n'est pas leur métier, qu'ils n'ont pas à le faire, etc. Ça peut être des choses très simples. Envoyer une lettre à ses clients, écrire à ses... faire une vidéo pour ses collaborateurs, avoir une page LinkedIn à laquelle de temps en temps, on répond. Et je crois que c'est le service minimum aussi pour gérer donc la future réputation qui sera la meurtre sur l'IA. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Quand on parle d'IA et d' e-réputation, il y a un sujet qui revient souvent, c'est la problématique des deepfakes, des fausses informations, des fausses vidéos, des fausses images. Tu as brièvement touché du doigt le sujet de la désinformation liée aux puissances étrangères. Tu prenais l'exemple de la Russie tout à l'heure. Avec l'IA, n'importe qui peut générer un deepfake potentiellement crédible en quelques clics. Est-ce que tu es inquiet, toi, de l'explosion de ces deepfakes qui peuvent mener à des fausses accusations, à des manipulations d'images, à des manipulations de vidéos ? Est-ce que ça t'empêche un peu de dormir parfois la nuit ? »
Édouard Fillias: « Non, non, rien ne m'empêche de dormir. Je suis très résilient. Mais je pense que, oui, l'altération de la vérité, la création d'une vérité numérique qui semble aussi tangible, mais ça, ça nous renvoie là aussi à des thèmes de science-fiction bien connus et de... de longue date. Qu'est-ce que la vérité ? Qu'est-ce qu'un monde parallèle ? Qu'est-ce qu'on peut accepter comme degré d'artificialité ? Est-ce que l'artificiel, c'est un mensonge ou c'est simplement artificiel ? Donc, moi, je pense qu'il y a beaucoup de ces questions qui vont être débattues. Je pense qu'on acceptera de plus en plus des contenus artificiels parce qu'ils sont drôles, parce qu'ils sont intéressants, parce qu'ils permettent d'ouvrir l'esprit. Là, toi, tu fais référence à des contenus qui nous manipulent, qui nous induisent en erreur. Donc, on peut avoir un contenu fake, mais qui est là pour susciter le débat, la polémique, éveiller notre conscience, nous amuser. Ce qui est plus inquiétant, c'est l'utilisation de l'IA dans une perspective de manipulation cachée. Ce qu'on appelle parfois astroturfing, dans la communication, c'est-à-dire la création de légendes noires qui visent à orienter le jugement sans dire qui les fabrique ni pourquoi. De ce point de vue-là, ce qui m'inquiète, ce n'est pas tant les fake news que la capacité de l'IA de construire une stratégie marketing ciblée sur l'individu. Donc, qu'ils prennent en compte son unicité, son originalité, son parcours, ses aspirations personnelles, politiques, culturelles, professionnelles, pour construire autour de lui un univers qui est pour but de le nudger, de l'orienter à son insu vers les bons choix, les bonnes options, les bonnes critiques. Alors, ça peut être à toute fin commercial. Un des grands problèmes que l'IA, à mon avis, va nous poser, c'est une forme de manipulation commerciale. Est-ce qu'on a vraiment envie d'acheter cette voiture, cet ordinateur, ce voyage ? Le marketing, le marketing digital, aujourd'hui, tu vois encore un peu venir. Même le retargeting, on le voit venir. Tout ça, c'est quand même un peu gros. Si demain, on a face à nous une IA qui est partout dans toutes nos applications, est-ce qu'on saura distinguer le vrai du faux ? Et puis, à toute fin politique, que ce soit une influence étrangère ou une influence locale. Donc, moi, ça, ça m'inquiète, effectivement, cette capacité à construire des stratégies complètement individualisées, extrêmement puissantes d'influence des individus. »
Julien Redelsperger: « C'est quoi, pour toi, le futur de l'IRPG ? La réputation à l'ère numérique. Alors, je sais qu'on est vraiment qu'au tout début, mais qu'est-ce qui va se passer dans un an, deux ans, cinq ans ? Est-ce que l'IA va prendre ta place ? Est-ce que l'IA peut contrôler les réputations faites par l'IA ? »
Édouard Fillias: « Moi, je pense qu'on va voir apparaître des IA gardiennes. Ma lecture générale du sujet, c'est qu'on ne peut pas débrancher l'IA et on ne peut pas surmonter l'IA parce qu'elle sera bien plus intelligente et bien plus puissante que nous. Donc, être humain, entreprise, organisation, régulateur. Donc, comment faire ? Eh bien, il faudra qu'on mette en face de ces titans, d'autres titans, à qui on aura inséminé, auprès desquels on aura installé dans le cœur de leur ADN les règles d'Asimov, cette fois. Donc, c'est un peu des Judge Dredd, si tu veux, de l'IA, qui ne peuvent pas abuser des êtres humains, qui ne peuvent pas être tentés à leur vie. Et qui sont là pour servir. Et ces IA gardiennes, elles seront là pour protéger le débat démocratique, pour protéger le commerce libre. C'est-à-dire, le commerce libre, c'est celui qu'on fait en conscience, sans être manipulé. Elle sera là pour nous protéger des abus de l'État, aussi, qui seront... Enfin, on peut craindre la Russie, on peut craindre aussi notre propre État, à tout point de vue, puisque l'IA, mis au service d'une immense capacité de données et de la puissance publique, c'est un cauchemar total. C'est un cauchemar totalitaire permanent au potentiel. Donc, moi, j'espère voir l'émergence de ces IA gardiennes. »
Julien Redelsperger: « D'accord. Parfait. Alors, peut-être pour conclure, Edouard, juste trois conseils concrets pour protéger sa e-réputation. On commence par quoi ? Si on doit commencer dès demain ou dès aujourd'hui, qu'est-ce que tu recommandes de faire ? »
Édouard Fillias: « Déjà, pour le safety check, de base, c'est évidemment d'aller voir par soi-même. Donc, installer 3-4 moteurs d'IA sur sa barre de navigation et aller faire le check de ses principaux produits, le nom de sa boîte, ses marques et soi-même. Et avoir l'hygiène de le faire de temps en temps pour regarder comment ça évolue. Ça, c'est la partie veille. Le deuxième aspect, c'est prendre le temps de se présenter sur Internet. C'est à l'air idiot, mais la petite biographie qu'on trouve sur LinkedIn, ou ne serait-ce qu'une page web avec son nom de famille et son prénom, qu'on possède soi, avec le domaine qu'on possède, ou on fait un texte de 10 lignes, se présenter et dire qui on est. Ça, c'est des éléments qui, je pense, sont extrêmement importants. Parce que, quelque part, ils permettent de contrôler une forme de socle identitaire, de ne pas laisser entièrement ça à d'autres, au site de son entreprise, au sein de l'administration, que sais-je. Et c'est à la portée de chacun. Je pense aussi que l'exercice d'écrire 10 lignes pour se présenter au reste du monde, il est très bon. Parce qu'en fait, il force à nous positionner. Donc, c'est un exercice même un peu existentiel. Au-delà de simplement figurer, c'est pourquoi voulons-nous être tenus ? Qu'est-ce que nous apportons au grand concert de l'humanité ? Qu'est-ce qu'on veut dire de nous ? Simplement même, de façon très simple, pour se présenter. Donc, je pense que se présenter, se présenter à minima, faire une veille. Et puis, je pense qu'en tant que citoyen, et ça, c'est ma conviction, le principal débat de l'avenir, il sera celui de la place de l'IA dans la décision publique et dans la vie de la cité. Je pense que c'est un sujet, pour le président de la République, c'est le sujet de tous les autres sujets. La défense, la réforme de l'État, l'économie, la gestion de la fonction publique, la gestion de la relation avec les territoires, notamment les plus excentrés, les transports, l'énergie, tous ces sujets sont plus ou moins intermédiés par la nouvelle capacité des machines à construire, analyser, organiser à notre place. Donc, en tant que citoyen, il est urgent de se forger quelques convictions et d'interroger, de challenger nos élus sur ce point, de regarder ce que font les associations, de lire la presse, parce qu'il n'y aura pas d'autres débats publics d'envergure. Est-ce que nous, humanités, nous, Français, nous, Européens, nous, Canadiens, réussirons à garder le contrôle de nos vies face à cette technologie ? »
Julien Redelsperger: « Ça veut dire se former régulièrement, peut-être apprendre à apprendre ? »
Édouard Fillias: « Je crois que c'est essentiel de rester très à l'écoute, de tester soi-même. L'histoire du digital, quand même, depuis 20 ans, tu me posais la question, et même depuis mon premier ZX4 Chrome, depuis que les ordinateurs sont individuels et qu'ils sont sortis des hangars, c'est d'y aller soi-même. C'est de tester des choses, de taper des lignes de code, de tester une nouvelle carte graphique. Aujourd'hui, c'est de tester toutes ces IA et de se demander qu'est-ce que je peux en faire dans ma vie pour être plus organisé, plus productif, apprendre des choses. Par exemple, parler philo avec ChefGPT. C'est une expérience très intéressante. C'est quoi le courage ? Un peu comme Platon, jadis, demandait, c'est quoi le courage à un général ? Aujourd'hui, on peut avoir des conversations intéressantes avec l'IA et qui permettent de tester un peu leur retranchement. Je crois qu'il ne faut pas rejeter la technologie. J'entends en France beaucoup de technophobie. Tout de suite, on est sur le sujet de l'IA va nous dominer, l'IA va détruire nos emplois. C'est une opportunité, c'est une merveille technologique et il ne faut pas la subir. Il faut aller vers elle. »
Julien Redelsperger: « Parfait. Merci beaucoup, Edouard. Alors, à la fin de chaque épisode, l'invité du jour doit répondre à une question posée par l'invité précédent. En attendant d'écouter la tienne, je vais te laisser écouter celle de Xavier Nifle, qui est associé chez KPMG en charge du Digital Audit et de l'innovation. On écoute sa question. »
Julien Redelsperger: « Alors, si tu avais la possibilité de voyager dans le temps, que ce soit à la fois dans le futur comme dans le passé, quelle période choisirais-tu et surtout pour quelle raison ? »
Édouard Fillias: « Merci pour cette question. Moi, si je devais choisir une période intéressante de notre histoire, je retournerais dans les années 40 parce que cette période de la Seconde Guerre mondiale c'est une des dernières périodes où chaque citoyen a fait face à des choix moraux essentiels. Chacun a été amené à se positionner. La plupart sont restés neutres sans aucun déshonneur. Beaucoup ont basculé hélas dans la compromission. Beaucoup ont renoncé à des valeurs essentielles pour eux. Et d'autres ont fait le choix inverse, le choix de l'héroïsme. Et d'autres ont fait le choix inverse, le choix de l'héroïsme. Le choix du courage, souvent au péril de leur vie. C'est la dernière fois que du fermier au syndicaliste, en passant par le curé, puis par le chef d'entreprise, puis par l'artiste, on était tous en phase d'un choix existentiel. Et j'aimerais bien revivre cette période peut-être pour être confronté moi-même à ce choix et j'espère que je prendrai la bonne décision. »
Julien Redelsperger: « Très bien, parfait. »
Julien Redelsperger: « À présent, Edouard, quelles questions aimerais-tu poser au prochain invité ? »
Édouard Fillias: « Est-ce qu'un jour, nous pourrons être gouvernés par une intelligence artificielle ? Est-ce qu'une intelligence artificielle pourrait être présidente de la République ? Ministre ? Est-ce qu'elle pourrait être, par extension, chef d'entreprise, général ? Et si elle le pouvait, est-ce que ce serait une bonne chose ? »
Julien Redelsperger: « Très bonne question. Je n'avais jamais eu. On est à plus de 50 épisodes et je suis toujours étonné et surpris de la créativité des questions de mes invités. Merci beaucoup, Edouard, de ta participation. Je rappelle que tu es cofondateur et CEO de l'agence de communication digitale JIN. Merci d'avoir participé à ce podcast. »
Édouard Fillias: « Merci infiniment, Julien. »
Cette transcription a été réalisée par un outil d'intelligence artificielle. Elle n'est peut-être pas 100% fidèle au contenu d'origine et peut contenir des erreurs et approximations.