La question de l'usage de ChatGPT dans la rédaction est au cœur du 21e épisode du podcast (« Être rédacteur en free-lance à l’ère de ChatGPT ») où Josselin Henno, rédacteur indépendant revient sur sa relation avec l'outil et partage conseils et bonnes pratiques. Si ChatGPT offre des perspectives séduisantes, il reste un outil complémentaire, dont l'utilisation exclusive et sans discernement pourrait s'avérer périlleuse pour un rédacteur professionnel.
Pourquoi faut-il se méfier des contenus produits par ChatGPT ?
Les textes générés par ChatGPT, malgré leur apparente sophistication, souffrent d'un manque de profondeur. Leur tendance à la redondance et à une certaine superficialité révèle bien souvent un déficit de conviction. Ces contenus, souvent génériques, peuvent manquer de la nuance et de la profondeur nécessaires pour traiter efficacement des sujets complexes ou spécialisés. Bien que ChatGPT puisse fournir une base ou un cadre général, il lui est difficile de capter l'essence spécifique et les subtilités qui confèrent à un texte sa valeur unique et sa résonance avec le public ciblé.
Les contenus produits se retrouvent ainsi alourdis par des répétitions ou des tournures de phrases inutilement complexes, diluant ainsi l'impact et la clarté du message. ChatGPT, par sa nature algorithmique, tend aussi à produire des textes au ton uniforme, manquant de cette touche personnelle qui établit une connexion émotionnelle avec le lecteur, et qui est censée caractériser la marque ou la personne qui prend la parole.
De plus, dans un contexte où les moteurs de recherche comme Google continuent d'affiner leurs algorithmes pour privilégier le contenu original et de qualité, la dépendance excessive à des textes générés par IA peut s'avérer contre-productive. La révolte a déjà commencé, et le moteur de recherche pénalise les contenus perçus comme générés automatiquement, privilégiant ceux qui apportent une réelle valeur ajoutée aux utilisateurs (« Google Search Cracking Down on Mass-Produced AI-Generated Slime ».
Comment savoir si un contenu a été écrit par ChatGPT ?
Dans l'épisode 8 du podcast (« La propriété intellectuelle à l'ère de l'IA générative »), Betty Jeulin évoquait le fait que l'auteur unique qui crée ex nihilo va certainement devenir l'exception. Sa vision est simple : on risque d'avoir une création à deux vitesses, avec l'ultra luxe de la création humaine d'un côté et la création de masse grâce aux intelligences artificielles de l'autre. Alors que l'expérience client est un sujet essentiel pour les entreprises, il ne faudrait pas que celle-ci soit impactée par des contenus sans saveur dont on sent qu'ils sont rédigés en grande partie par ChatGPT. Il faut dire que ces textes sont assez faciles à repérer. Ainsi, pour détecter l'écriture de ChatGPT, recherchez les signes révélateurs tels que :
- Un ton inhabituellement formel dans un texte supposé conversationnel ou informel.
- Des structures de phrases trop complexes et un choix de mots inhabituel ou incorrect.
- Un texte inutilement long et verbeux.
- L'absence de sources crédibles.
- La répétition de mots ou d'expressions et des phrases redondantes.
- Un manque de touche personnelle et des déclarations vagues n'apportant pas d'informations.
- L'utilisation de noms comme voyage, embarquement et royaume.
- La surutilisation d'adjectif qualificatif comme passionnant, intéressant, crucial
- Une conclusion qui commence par « En conclusion », « En somme » et qui ne fait que répéter la structure de l'article
- Une introduction qui commence par « Dans un monde », « Dans un écosystème », etc.
- Le sentiment d'une écriture robotique et déconnectée des enjeux de l'article (ce qui reste un feeling personnel et difficile à quantifier, il faut le reconnaître).
Pour aller plus loin, divers outils ont été développés pour distinguer les écrits humains de ceux produits par les machines. C'est notamment le cas d'Originality, développé par une start-up canadienne dont la directrice marketing était l'invitée de l'épisode 3 en anglais (« Unmasking AI: Navigating the New Frontier of Content Marketing » - non disponible en français). Si ces outils sont indispensables pour les éditeurs, les journalistes et les plateformes qui font de la création de contenu leur cœur de métier, il faut reconnaître que toutes les entreprises n'en feront pas leur priorité, car la valeur associée à un contenu de qualité est difficilement quantifiable.
Le sujet est donc une question de positionnement (un contenu de grande qualité appuie et assoit le positionnement d'une marque), de respect pour les lecteurs (en particulier pour les produits et services - notamment dans le B2B - qui se vendent particulièrement chers), d'image de marque (clients, utilisateurs ou employeurs pour les services RH) et de cohérence globale. Une entreprise qui mise sur le quick and dirty ne fera que peu de cas de l'usage de ChatGPT dans ses contenus.
ChatGPT et la rédaction en freelance : un mariage impossible ?
Alors, faut-il laisser tomber ChatGPT quand on travaille dans la rédaction en freelance ? Absolument pas ! ChatGPT s'avère être un atout considérable pour le rédacteur freelance lorsqu'il est bien utilisé. Et c'est bien là tout l'enjeu : on ne devient pas rédacteur en demandant simplement à ChatGPT de produire du contenu. Un rédacteur doit être curieux, connaître les subtilités de la langue française - voire de la traduction ou de la localisation le cas échéant. Il doit maîtriser le sujet dans les détails, comprendre les problématiques du client, ses personas, les messages à faire passer, et la valeur qu'il peut construire à partir de ses mots.
De son côté ChatGPT a un rôle à jouer dans le workflow du rédacteur. C'est un assistant de luxe. Une ressource indispensable pour générer des idées, concevoir des titres, servir de partenaire de brainstorming, débloquer la créativité du rédacteur, trouver une nouvelle perspective sur un sujet traité de nombreuses fois, ou tout simplement, ne pas partir d'une feuille blanche. C'est le sidekick idéal au super héros que tout le monde s'arrache. Le rédacteur est Batman et ChatGPT est son Robin. Exemples.
Dans la phase d'idéation
- Explorer de nouveaux sujets : quand un rédacteur souhaite élargir ses horizons ou explorer un nouveau domaine, ChatGPT peut fournir un aperçu initial des thèmes clés, des questions courantes et des perspectives diverses liées à ce sujet.
- Développer des sous-thèmes : pour un article ou un projet nécessitant une couverture exhaustive, ChatGPT peut aider à identifier et à développer des sous-thèmes pertinents, garantissant ainsi une analyse complète.
Dans la phase de conception
- Gagner du temps pour les ébauches et les structures de texte, ChatGPT fournit une base de départ qui ne demande qu'à être améliorée. Le rédacteur peut alors affiner et personnaliser ces ébauches, en y ajoutant sa touche personnelle, ses connaissances et en approfondissant les points clés avec son expertise. Cette approche permet de gagner du temps et d'assurer une cohérence structurelle tout au long du texte.
- Résoudre des blocages créatifs : poser des questions à ChatGPT ou explorer des réponses générées par l'IA peut stimuler de nouvelles idées et relancer le processus créatif.
- Explorer des variantes stylistiques : pour un projet nécessitant différents tons ou styles (formel, informel, technique, etc.), ChatGPT peut proposer des variantes textuelles, offrant ainsi une base de travail adaptable.
Dans la phase de relecture et de traduction
- Améliorer la productivité avec la traduction et la relecture : ChatGPT est un outil précieux pour la traduction de contenus d'une langue à une autre, offrant une base solide que le rédacteur peut ensuite peaufiner et adapter au contexte culturel spécifique. De même, pour la relecture, ChatGPT peut identifier des fautes de frappe, des erreurs grammaticales ou des tournures de phrases maladroites, que le rédacteur pourra corriger pour améliorer la fluidité et la clarté du texte. Je recommande toutefois un passage supplémentaire avec un « vrai » vérificateur orthographique comme Antidote, dont la Directrice du développement linguistique est d'ailleurs intervenue dans l'épisode 12 du podcast (« Linguistique et langue française à l'ère de l'IA »).
- Enrichir son lexique : lorsqu'il s'agit d'éviter les répétitions ou d'enrichir le vocabulaire utilisé, ChatGPT peut suggérer des synonymes et des tournures de phrases variées.
- Trouver des exemples et des analogies : pour illustrer des concepts complexes ou abstraits, ChatGPT peut générer des exemples concrets, des comparaisons ou des analogies, rendant le contenu plus accessible et engageant pour le lecteur.
Dans la phase d'optimisation
- Suggérer des mots-clés : ChatGPT peut aider à identifier des mots-clés pertinents pour un sujet donné, facilitant ainsi l'optimisation du contenu pour les moteurs de recherche.
- Structurer un contenu pour le référencement : l'IA peut proposer des structures d'articles optimisées, intégrant des balises H1, H2, des listes à puces, etc., conformément aux bonnes pratiques SEO. Toujours utile pour améliorer la découvrabilité de l'article et optimiser la manière dont il peut être structuré.
ChatGPT et rédaction en freelance peuvent faire bon ménage, mais tout est une question de dosage. Il ne faut pas tomber dans un alarmisme déplacé ni être naïf face à la déferlante de l'IA, notamment dans le domaine de la création. Alors que la complémentarité entre l'intelligence humaine et artificielle peut conduire à des résultats remarquables, les rédacteurs qui travaillent sur des contenus à faible valeur ajoutée et sur des sujets généralistes seront sans doute les premiers à tomber au champ d'honneur des professions remplacées par la technologie. La spécialisation - voire l'hyperspécialisation - dans un secteur d'activité ou un sujet technique est la meilleure stratégie à appliquer. S'inscrire et se développer dans une niche est le meilleur moyen de garder son emploi de rédacteur, tout en continuant à se former. Pour combien de temps ? L'avenir nous le dira !